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Electricité : des offres vertes et innovantes au service du consommateur ?

Les fournisseurs d’électricité sont plus nombreux que jamais : 49 acteurs alternatifs font concurrence à EDF. De nombreuses offres innovantes ont ainsi vu le jour, allant de l’électricité verte à l’intégration de services numériques pour une consommation plus maîtrisée et intelligente.

Qu’est-ce que cette multitude d’offres apporte aux consommateurs ?

La concurrence sur le marché de fourniture d’électricité est de plus en plus féroce, comptant 49 fournisseurs fin 2018. Le marché de la fourniture d’électricité a été progressivement ouvert aux concurrents d’EDF et des entreprises locales de distribution (ELD), sous impulsion de l’Union européenne.

Dans un premier temps, l’ouverture du marché français pour les gros consommateurs dans les années 2000 a attiré les grands énergéticiens européens comme Uniper, Iberdrola, ou Vattenfall. Mais depuis 2015, de nombreux acteurs se positionnent. Au 30 juin 2018, soit onze ans depuis l’ouverture complète du marché, 49 fournisseurs se disputent une part de marché de 20% (en nombre de sites), contre 80% pour les opérateurs historiques EDF et les 160 ELD.

Des fournisseurs aux profils de plus en plus divers

En 2017, l’arrivée des poids lourds dans le marché de fourniture d’électricité comme le gazier italien ENI et des acteurs de la grande distribution, à savoir Leclerc, Cdiscount et Casino à travers sa filiale Greenyellow, a secoué le marché.

Les nouveaux entrants ont des profils de plus en plus divers, s’appuyant dans leur conquête de marché sur leurs clients existants et leur image de marque. Budget Télécom, première entreprise issue des télécoms à se lancer sur ce marché, en est un autre exemple.

La diversification des offres innovantes est en cours

Les services énergétiques sont souvent présentés comme un élément prometteur pour le futur modèle d’affaires des énergéticiens. Sur le segment B2C (entreprise à client) de la fourniture d’électricité, outre les grands comme EDF, ENGIE ou ENI, de plus petits fournisseurs proposent également des services de maîtrise de consommation, d’efficacité énergétique ou alors des aides financières à la rénovation énergétique du bâtiment.

Les fournisseurs intègrent également de plus en plus de services numériques pour laisser le client suivre sa consommation en temps réel, ou piloter ses installations à distance. Les grands comme EDF, ENGIE, Total Spring, mais aussi Enalp en partenariat avec la CNR, ont lancé des offres de recharge intelligente pour la voiture électrique à domicile. Direct énergie propose l’accès à un réseau national de bornes de recharge.

En vue de la généralisation des compteurs intelligents Linky d’ici 2021, quelques fournisseurs intègrent d’ores et déjà leurs fonctionnalités pour proposer des plages horaires avantageuses en termes de prix (heures super creuses, électricité moins chère le week-end, etc.).

À la pointe de l’innovation, on voit de premières expérimentations de la blockchain pour tracer l’origine de l’électricité produite à partir d’énergies renouvelables.

Les bénéfices de la concurrence pour les particuliers se trouvent donc aujourd’hui du côté de la diversification des offres. À l’avenir, les fournisseurs misant sur les services d’énergie pourraient réussir à se libérer d’un modèle d’affaires exclusivement basé sur les kilowattheures vendus.

Des offres vertes pas si vertueuses

Les offres d’électricité verte se multiplient avec désormais plus de deux tiers des fournisseurs (36 sur 49) qui en commercialisent une. Un tiers des fournisseurs (17 sur 49) ne proposent même que des offres d’électricité renouvelable, selon une étude de Yélé Consulting.

La demande pour l’électricité verte a certes plus que doublé de 2013 à 2017, passant de 2 à 5% de la consommation totale d’électricité selon la Commission de régulation de l’énergie (CRE), mais elle reste pour l’instant faible. Le prix est en effet le premier argument avancé par les consommateurs pour souscrire à une offre, d’après le dernier baromètre du Médiateur national de l’énergie.

Qu’en est-il de l’apport des offres « vertes » à la transition énergétique en France ? Les offres vertes les plus courantes reposent sur les garanties d’origine, un certificat électronique qui garantit à l’acheteur que pour chaque mégawattheure d’électricité soutirée, la quantité équivalente en électricité renouvelable a été injectée sur le même réseau.

Les fournisseurs ont la possibilité d’acheter séparément l’électricité sur le marché de gros et les garanties d’origine auprès de producteurs d’énergies renouvelables en France ou ailleurs dans l’Union européenne. La plupart des garanties d’origine sont ainsi achetés auprès de producteurs d’hydroélectricité dans les pays nordiques.

Ce modèle ne contribue donc pas forcément, selon un rapport récent de l’ADEME et un autre du cabinet Carbone 4, au développement de nouvelles installations d’énergies renouvelables.

Sept fournisseurs alternatifs vont plus loin, selon l’étude de Yélé Consulting, et garantissent une production d’électricité renouvelable en France (partiellement ou entièrement), quoique majoritairement produite par des installations d’hydroélectricité amorties.

Comme les consommateurs sont de plus en plus sensibles à des modes de consommation plus locaux et durables, la possibilité de choisir virtuellement le site de production en France, comme le propose Ilek, pourrait séduire un public toujours plus large.

Quelques fournisseurs poussent la démarche locale en encourageant l’auto-consommation individuelle ou collective de l’électricité produite par des panneaux photovoltaïques. L’investissement dans de nouvelles installations d’énergies renouvelables, parfois sous forme de financement participatif, fait de quelques fournisseurs pionniers des acteurs de la transition énergétique.

Enercoop, Energie d’ici, et Planète Oui s’engagent dans cette voie, selon le guide de l’électricité verte de Greenpeace France (état en décembre 2018).

Qui saura résister au contexte de marché tendu ?

La multiplication de nouveaux fournisseurs était censée se poursuivre en 2018. Mais la hausse des prix sur le marché de gros au cours de cette année – liée à la hausse du prix de la tonne de CO2 et du prix du gaz, ainsi que la moindre production nucléaire et éolienne en Europe – a provoqué un coup d’arrêt des entrées dans le marché.

D’autant plus que pour concurrencer EDF sur le prix, ceux-ci jouaient déjà sur leurs marges. Cette année, pour la première fois, les demandes dans le cadre du dispositif de l’accès régulé à l’énergie nucléaire historique (ARENH), qui oblige EDF à vendre une partie de sa production nucléaire à prix fixe (actuellement à 42 €/MWh) à ses concurrents, ont en plus dépassé les volumes offerts (100 TWh sur une année maximum).

Résultat : ils risquent de devoir se fournir, à prix élevé, sur le marché de gros. Entrons-nous donc dans une phase de concentration du marché ? Face à la situation tendue sur le marché, les fournisseurs vont mettre leur gestion de risques par des achats anticipés sur le marché à l’épreuve.

La guerre des prix a été lancée

Les particuliers sont de plus en plus sensibilisés sur leur droit de changer de fournisseur et de basculer du tarif réglementé de vente (TRV) vers une offre de marché. Cette dynamique récente a fait qu’EDF perd 100.000 abonnés par mois depuis 2017. Les deux tiers de la facture d’électricité étant composés de taxes et contributions, sur une trajectoire à la hausse, la concurrence n’a pourtant pas débouché sur une baisse significative de la facture d’électricité pour les particuliers.

La qualité de service pour le consommateur s’est-elle améliorée avec la concurrence ?

La diversité des offres, de l’intégration de la mobilité électrique à l’auto-consommation, permet de répondre à des besoins émergents. En revanche, la lisibilité de la structure de prix des offres doit être améliorée.

En ce qui concerne les offres d’électricité « verte », l’intention des consommateurs derrière une souscription est de contribuer à la transition énergétique.

Or, la plupart des offres ne sont pas transparentes sur le fait qu’elles n’assurent ni une juste rémunération des producteurs d’énergies renouvelables en France ni l’installation de nouvelles capacités renouvelables, et encore moins une concomitance entre production et consommation.

Ainsi, la plupart des offres « vertes » ne répondent pas réellement à l’attente des consommateurs. Une réforme du système des garanties d’origine, en y intégrant plus de contraintes de temps et de localisation, et un label d’électricité verte comme l’a demandé l’ADEME, semblent de bons leviers pour sensibiliser et engager les clients dans la transition énergétique.

Le contexte de marché tendu pourrait également dévoiler quels nouveaux modèles et services sont générateurs de valeur ajoutée et en même temps économiquement viables. Ou bien limiter la force d’innovation d’une multitude d’acteurs, premier effet de la concurrence.