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Entretien avec Laurent Lantoine : les équipements bas carbone, un levier central de décarbonation de l’industrie 

En avril dernier s’est conclue la consultation publique sur les mécanismes de soutien à la décarbonation de l’industrie afin de déterminer les conditions de mise en œuvre de l’enveloppe de plus de 5 milliards d’euros annoncés par le gouvernement en février. Cette enveloppe vient appuyer directement le secteur industriel français dans le développement de technologies innovantes (comme le CCUS ou l’hydrogène vert) pour soutenir ses objectifs ambitieux de décarbonation (-35% d’émissions GES d’ici 2030 inscrit dans la SNBC).

L’industrie dispose de différents leviers afin de réduire son empreinte environnementale, telle que l’efficacité énergétique qui permet de diminuer la consommation d’énergie tout en optimisant le rendement de l’équipement utilisé. L’efficacité énergétique repose en partie sur le développement de technologies innovantes, elles-mêmes potentiellement vertueuses dans leur approvisionnement en énergies renouvelables et dans leur fonctionnement.

Aujourd’hui, certaines technologies innovantes permettent d’adresser ce levier de l’efficacité énergétique tout en ayant un impact carbone réduit, à l’exemple de la chaudière zéro carbone dite « Ch0c ».

La Ch0c cible une réduction des émissions de CO₂ rapide des sous-secteurs industriels utilisant de la vapeur et s’inscrit dans une optique de diminution des consommations énergétiques et s’inscrit dans une optique de diminution des consommations énergétiques par des actions d’optimisation.

Cette chaudière à oxycombustion comprenant un module de CCUS est en cours de développement, portée par un consortium d’acteurs piloté par Naldeo Technologies et Industries. Si certains acteurs de l’offre présents au sein du consortium ont une vision transnationale du déploiement de la Ch0c, GRDF, en tant qu’acteur de la transition énergétique, s’intéresse à son application dans le cadre national. Laurent Lantoine, Chef de Produits Industrie et Tertiaire au sein de la Direction du Développement de GRDF nous en dit plus.


Pourriez-vous nous présenter la Ch0c en quelques mots ?

La Ch0c est l’acronyme utilisé pour désigner la chaudière zéro carbone (qui produit de la vapeur) dont la technologie vise à remplacer le comburant classique (l’air) par de l’oxygène. Cette chaudière industrielle exploite la technologie de l’oxycombustion qui permet, en faisant entrer très peu d’azote dans la combustion, d’avoir des produits de combustions plus concentrés en CO₂.

Relativement simple dans sa mise en œuvre, le principe de cette technologie existait précédemment, mais les conditions de son développement et de sa commercialisation n’étaient pas encore réunies. La Ch0c intègre une boucle de recirculation : les deux tiers des produits de combustion sont réinjectés au niveau du bruleur afin de créer un air synthétique composé notamment d’O₂, d’H₂O et de CO₂, ce qui permet d’augmenter fortement la concentration en CO₂. Ce processus permet également d’optimiser la consommation d’énergie.

Le process de production de vapeur étant réplicable – les chaudières utilisent des technologies relativement similaires (bien que l’on distingue chaudières à tubes d’eau et tubes de fumée) – le développement d’un projet comme la Ch0c s’en trouve facilité. D’autant plus que la CH0c peut s’appuyer sur des coûts « carbone » réduits pour soutenir son modèle économique, avec des produits de combustion relativement propres (pas de poussière, pas d’effluents, etc.).

À quels enjeux répond la Ch0c ?

Le premier enjeu auquel répond la Ch0c est un enjeu de réduction des émissions de CO₂ du secteur industriel.

La Stratégie Nationale Bas Carbone fixe un objectif de réduction de 81% des émissions de GES pour 2050 par rapport à 2015 pour l’industrie. Parmi les émissions actuelles du secteur, la production de vapeur représente 15 à 20% des émissions de CO₂. C’est cette part d’émissions que la Ch0c se propose de réduire drastiquement en actionnant différents leviers comme la mise en place de technologies de CCUS (Capture, Utilisation et Stockage de Carbone) et/ou l’approvisionnement en gaz vert.

C’est le second enjeu de la Ch0c : soutenir le développement des énergies décarbonées comme le biométhane en lui offrant un nouveau débouché. L’accélération des projets de méthanisation (notamment au regard de l’actualité et des enjeux d’autonomie) permettra d’accroître la part du gaz vert dans le mix énergétique et donc de rendre encore plus vertueuse la Ch0c.

En effet, La Ch0c se présente ainsi comme une solution pertinente durant cette période de transition des énergies fossiles aux énergies vertes pour capter efficacement les émissions de CO₂ des chaufferies industrielles. En ajoutant un approvisionnement en gaz vert, elle pourrait même devenir un puit carbone !

Quels sont les avantages et défis de la technologie CCUS sur ce type de solution ?

La Ch0c permettant d’obtenir un CO₂ très concentré (au-delà de 85% en sortie), le captage peut ensuite se faire de différentes manières :

  • Par des techniques conventionnelles. Étant donné la pureté du CO₂ il n’est pas nécessaire de procéder à un lavage aux amines, le CO₂ peut donc directement passer à l’étape de conditionnement par de la compression et liquéfaction.
  • Par des techniques innovantes, en cours de développement ces dernières années, avec le soutien apporté aux technologies de CCUS considérées comme levier de décarbonation par de nombreux pays.

On peut décomposer le process de CCUS en plusieurs étapes au sein de la Ch0c :

  • Étape 1 : purification du CO₂ (parfois à une qualité alimentaire, i.e. à plus de 98%) et retrait de l’eau contenue dans les vapeurs. Des entreprises se spécialisent sur cette partie et sont déjà présentes dans le domaine de la méthanisation (par la purification du CH4).
  • Étape 2 : conditionnement du CO₂ concentré (stockage temporaire dans cuve ad hoc)
  • Étape 3 : valorisation ou séquestration du CO₂. Si aujourd’hui la plupart des entreprises soumises au quota carbone s’orientent vers du stockage, les deux voies font sens, notamment lors d’usages internes ou de revente du carbone.

Que ce soit pour la séquestration ou l’utilisation, il est important de soutenir la dynamique du marché CO₂ en France, encore à petite échelle (1 million de tonnes par an). Avec le déploiement des Ch0c, 10-15 millions de tonnes de CO₂ pourraient être disponibles, il est alors primordial que le rythme d’évolution du marché s’accélère.
Si des solutions apparaissent, notamment pour de nouveaux usages (plastiques, e-fuels, construction), il faut qu’elles puissent trouver un marché rapidement.

Cette dynamique est aujourd’hui soutenue au niveau des territoires, notamment concernant la séquestration carbone avec des démonstrateurs de grande échelle comme le projet 3D à Dunkerque ou Northern Light en Norvège. La haute capacité d’accueil de ces sites de séquestration permet aux futurs utilisateurs de la Ch0c de trouver un débouché simple et économique pour leur CO₂ capté.

Quelles sont les prochaines étapes pour la Ch0c ?

Un premier démonstrateur de la Ch0c devrait être installé sur un site industriel au second semestre 2023 et ce, soutenu par un consortium d’une quinzaine d’acteurs en cours d’élaboration. Afin de réaliser ce projet de démonstrateur, le consortium candidate à l’Appel à Projets Ademe « DemiBac » qui vient soutenir l’élaboration de démonstrateurs bas carbone et leur appropriation par les acteurs industriels.

Ce démonstrateur pourra également dans un second temps accueillir les premiers tests de solutions de valorisation de CO₂.

Il y aurait donc 2 phases :

  • Une première phase d’installation de la Ch0c, de réalisation des tests sur celle-ci et de validation des objectifs.
  • Une seconde phase d’installation de démonstrateurs de solutions de valorisation de CO₂ par des start-ups, ces démonstrateurs venant s’appuyer sur la Ch0c.

Un mot de la fin ?

La Ch0c est une solution pertinente qui peut rapidement être développée et déployée en tant qu’assemblage de briques technologiques existantes. Elle viendra limiter les émissions CO₂ de manière concrète dans un secteur avec une concentration carbone forte et aux objectifs de réductions ambitieux.

Entretien réalisé par Violette DONAT, Manager responsable des sujets décarbonation
violette.donat@www.yele.fr


L’intervention Yélé et l’accompagnement aux entreprises dans leur décarbonation

Yélé a pu réaliser l’étude de faisabilité de la chaudière zéro carbone (Ch0c), en collaboration avec Voltigital. Nos consultants sont ainsi intervenus pour cadrer le potentiel de marché de la solution, constituer les bases du consortium (acteurs et règles de fonctionnement) et appuyer le consortium sur les premières orientations du démonstrateur.
Yélé intervient depuis plus de dix ans maintenant sur la transition énergétique et écologique, en venant appuyer le développement de solutions de décarbonation.


En tant que Chef de Produit, Laurent LANTOINE détecte et fait émerger des solutions innovantes pour soutenir la filière des gaz verts. À travers une veille sur les solutions énergétiques françaises et internationales, certaines solutions sont étudiées plus précisément pour étudier la pertinence d’un déploiement à plus grande échelle en France. Laurent LANTOINE a pu profiter de son expérience passée au Crigen pour cibler au mieux ces solutions.

Contacts : Laurent LANTOINE – GRDF : laurent.lantoine@grdf.fr
Pauline PLISSON – Naldeo Technologies et Industries : pauline.plisson@naldeo.com


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(3 pages – 267 Ko – Français)