Skip to content Skip to footer

Préserver la biodiversité : un levier stratégique pour les entreprises

Préserver la biodiversité n’est plus une option : c’est un enjeu stratégique essentiel pour notre économie. En effet, selon la Banque Mondiale, plus de 50 % du PIB mondial, soit près de 44 000 milliards de dollars en valeur économique, dépendent directement des ressources naturelles. Pourtant, cette richesse est menacée par l’érosion de la biodiversité, qui met en péril la stabilité des écosystèmes et, par conséquent, celle de nos modèles économiques. 

Face à cet enjeu, les entreprises ont un rôle déterminant à jouer en intégrant la préservation de la biodiversité au cœur de leur stratégie. Dans cet article, nous verrons pourquoi cette approche est devenue incontournable, comment elle peut s’inscrire dans une vision globale d’entreprise et enfin, quels outils permettent d’en assurer un pilotage efficace. 

Prise en compte de la double matérialité : changeons de paradigme 

Historiquement, les entreprises ont considéré la biodiversité sous l’angle de leur impact sur l’environnement. Les activités liées à l’extraction de ressources naturelles, la production d’énergie ou la construction d’infrastructures ont des conséquences directes sur les écosystèmes : destruction d’habitats, pollution des sols et de l’air, perturbation des équilibres écologiques locaux, etc. Cela a amené les entreprises du secteur à adopter progressivement des mesures visant à minimiser leur empreinte biodiversité. 

Cependant, un nouveau paradigme émerge aujourd’hui : l’évolution de la biodiversité peut directement ou indirectement impacter le business model d’un certain nombre d’entreprises. 

Ce changement de paradigme est déjà intégré dans les stratégies d’adaptation de certaines entreprises, à l’image du groupe SNCF porté par Jean-Pierre Farandou (PDG). Il présente lors du Colloque UFE 2024 l’exemple de certaines espèces invasives, dont la renouée du Japon qui endommagent le système d’aiguillage des trains. 

D’autres acteurs comme GRDF s’adaptent aujourd’hui à l’évolution de la biodiversité : intrant principal de certaines technologies qu’ils exploitent comme la production de biométhane. Le changement climatique modifie les conditions météorologiques, ce qui peut affecter les rendements agricoles et la disponibilité des matières premières destinées à la production de biométhane. 

Une intégration nécessaire de la biodiversité dans la stratégie de l’entreprise et au sein de multiples cadres règlementaires 

Ce changement de paradigme ne peut être réussi sans passer par une intégration dans la stratégie de l’entreprise. En effet, intégrer la biodiversité dans la stratégie d’entreprise est essentiel pour assurer sa pérennité et limiter son impact sur l’environnement. La destruction des écosystèmes représente un risque majeur, tant sur le plan financier que réglementaire. 

Heureusement, les entreprises disposent déjà de leviers pour intégrer cet enjeu dans leur gouvernance. Les stratégies de Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE), qui visent à concilier performance économique et impact social et environnemental, constituent un cadre pertinent pour développer des engagements en faveur de la biodiversité. Dans ce cadre, elles peuvent également s’appuyer sur leurs politiques internes et leurs engagements déjà définis. 

Par ailleurs, les cadres réglementaires jouent aussi un rôle clé en incitant et en obligeant les entreprises à intégrer la biodiversité dans leur stratégie. Au niveau international, la Convention sur la diversité biologique et le Cadre de Kunming-Montréal fixent des objectifs ambitieux, tels que la préservation de 30% des terres et des océans d’ici 2030. En Europe, la Stratégie nationale biodiversité 2030 (SNB) et la Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD) imposent de nouvelles obligations de transparence et d’évaluation des impacts. Les entreprises sont ainsi amenées à mesurer et communiquer leurs impacts environnementaux dans les reportings extra-financiers imposés par ces règlementations. 

Outre les cadres réglementaires, des initiatives volontaires structurent l’engagement des entreprises. Le Science Based Targets Network (SBTN) fournit un cadre méthodologique permettant aux entreprises de fixer des objectifs précis et mesurables pour réduire leur impact sur la biodiversité, en s’appuyant sur des données scientifiques. De son côté, la Taskforce on Nature-related Financial Disclosures (TNFD) aide les entreprises et les institutions financières à mieux évaluer et divulguer leurs risques liés à la nature, en intégrant ces enjeux dans leurs décisions stratégiques et financières. 

Il existe donc tout un panel d’éléments qui permettent aux entreprises d’intégrer la biodiversité dans leur stratégie d’entreprise tout en les aidant à structurer leur engagement, anticiper les évolutions légales et réduire les risques de sanctions. Pour préserver la biodiversité, les entreprises doivent intégrer cet enjeu dans leur stratégie globale et s’aligner sur les cadres réglementaires.

Préserver la biodiversité : piloter par la valeur avec des indicateurs adaptés 

Afin de garantir l’alignement des projets mis en œuvre sur la mesure l’impact biodiversité et l’adaptation au changement climatique avec les axes stratégiques de l’entreprise, une démarche de pilotage par la valeur peut être mise en place. 

Le pilotage par valeur est une approche qui vise à intégrer des indicateurs propres à la biodiversité dans le processus décisionnel de l’entreprise en la considérant comme une valeur stratégique plutôt qu’uniquement sous l’angle d’un coût.  

Le pilotage par indicateurs consiste à définir des critères mesurables pour évaluer l’impact de l’entreprise sur la biodiversité, ainsi que l’impact de la biodiversité sur l’entreprise. Ces indicateurs peuvent concerner des aspects très divers avec différents niveaux de granularité. A titre d’exemple :  

  • Surface des habitats naturels protégés  
  • Surface des habitats naturels restaurés  
  • Disponibilité des ressources naturelles 
  • Variations des rendements agricoles dus à la disparition de pollinisateurs ou à la dégradation des sols 

Ces indicateurs peuvent être mis en place à l’échelle d’un portefeuille de projets. Ils sont ensuite intégrés dans une vision globale et pondérés à d’autres indicateurs de suivi généraux des projets afin de devenir un véritable outil d’aide à la décision pour :  

  • Prioriser 
  • Valoriser 
  • Décommissionner 


Rédacteurs : Rafaelle Jemelen, Laura Gorge

Autres contacts de référence : Juliette Elie Lefevre et Diane Husni