Pourquoi accélérer l’intégration des énergies renouvelables ?
Face aux enjeux climatiques et à l’Accord de Paris, la France s’est engagée à atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. Pour y parvenir, la part des énergies renouvelables (EnR) dans le mix énergétique doit fortement progresse. La Programmation Pluriannuelle de l’Énergie (PPE) fixe un objectif de 40 % d’électricité renouvelable en 2030, en cohérence avec la Loi de Transition Énergétique pour la Croissance Verte (LTECV).
Les crises énergétiques récentes soulignent l’importance stratégique de sécuriser l’approvisionnement national par une diversification des sources d’énergie, tout en renforçant la souveraineté énergétique du pays.
Les crises énergétiques récentes soulignent l’importance stratégique de sécuriser l’approvisionnement national par une diversification des sources d’énergie, tout en renforçant la souveraineté énergétique du pays.

La COP21 à Paris en 2015 – Source : Revue Gestion
Objectifs énergétiques et engagements climatiques
La LTECV vise une réduction de 40 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) à l’horizon 2030, et prévoit 33 % de la consommation finale d’énergie provienne des EnR. Le schéma S3REnR accompagne ces objectifs en planifiant les évolutions du réseau nécessaires à leur intégration massive.
Cadre économique et social
Les EnR participent à la dynamique économique en créant des emplois durables et en renforçant les territoires ruraux. Elles contribuent aussi à réduire la précarité énergétique grâce à des coûts de production plus stables.
Avantages des EnR
Les EnR offrent des bénéfices environnementaux, économiques et sociaux, justifiant leur place croissante dans le mix énergétique.
Avantages environnementaux
Les EnR permettent de réduire significativement les émissions de GES et limitent les impacts liés à l’exploitation des ressources fossiles. En valorisant des ressources locales et inépuisables (soleil, vent, eau), elles contribuent à la protection de l’environnement.
Avantages économiques
La compétitivité du solaire et de l’éolien, désormais souvent inférieure à celle des énergies fossiles, permet de renforcer l’indépendance énergétique de la France et de réduire les coûts pour les consommateurs à long terme.
Avantages sociaux
Les EnR favorisent l’emploi local, encouragent l’innovation, et ouvrent la voie à des modèles de gouvernance plus inclusifs. Elles participent également à l’amélioration de l’accès à une énergie propre et abordable, y compris dans les zones isolées.
État de l’art : deux projets emblématiques en France
Parc éolien offshore de Saint-Nazaire
Inauguré en 2022, ce parc est le premier éolien en mer connecté au réseau électrique français. Situé au large de la Loire-Atlantique, il regroupe 80 éoliennes réparties sur une surface de 78 km², pour une puissance installée de 480 MW, suffisante pour alimenter 700 000 foyers en électricité verte. Il permet d’éviter chaque année l’émission de 640 000 tonnes de CO₂.
Enedis a utilisé l’outil ERABLE pour simuler et sécuriser l’intégration de cette production intermittente. Les modélisations des réseaux électriques ont permis d’anticiper les risques de surcharge, d’optimiser les flux d’énergie injectés dans le réseau et d’adapter les infrastructures aux contraintes météorologiques, assurant ainsi la stabilité du réseau malgré l’intermittence de l’éolien.

Parc éolien offshore de Saint-Nazaire [Source : Adobe Stock]
Parc solaire photovoltaïque de Cestas
Situé en Gironde et opérationnel depuis 2015, ce parc s’étend sur 250 hectares et compte près d’un million de panneaux solaires pour une capacité de 300 MW. Il alimente 250 000 foyers et contribue à une baisse annuelle de 110 000 tonnes de CO₂. Ce projet s’inscrit dans la stratégie nationale visant 35 à 44 GW de solaire photovoltaïque d’ici 2028.
L’outil ERABLE a été mobilisé pour modéliser son intégration dans le réseau. Enedis a pu anticiper les pics de production diurne et les creux nocturnes, dimensionner les infrastructures nécessaires, et prévenir les congestions réseau. La simulation a guidé la planification des renforcements locaux pour garantir la stabilité à long terme.

Parc solaire photovoltaïque de Cestas [Source : Usine Nouvelle]
Rôle de Yélé Consulting dans les projets
Yélé Consulting, en appui à Enedis, a joué un rôle stratégique dans la gestion et l’évolution de l’outil ERABLE. Son expertise a permis d’assurer la performance, la fiabilité et la mise à jour des modèles de simulation. Cela a contribué à optimiser le raccordement des projets EnR tout en préservant la résilience du réseau.
Ces deux projets illustrent concrètement la capacité de la France à intégrer des infrastructures renouvelables grande échelle, en ligne avec les objectifs climatiques fixés par la PPE.
Analyse des défis de l’intégration des énergies renouvelables en France
L’ambition d’atteindre un système électrique 100 % renouvelable s’inscrit dans les engagements climatiques de la France. Mais elle suppose une refonte en profondeur du système énergétique, à travers trois types de défis majeurs : techniques, économiques et sociaux. Leur gestion conditionne la réussite d’une transition durable, résiliente et équitable.

[Source : Adobe Stock]
Défis techniques
Intermittence de la production
Les énergies renouvelables, principalement l’éolien et le solaire, dépendent de conditions météorologiques variables, rendant l’équilibre offre-demande plus complexe. Pour garantir la stabilité du réseau, cela impose :
- Des outils de prévision météo haute précision ;
- Le développement de systèmes de stockage (batteries, hydrogène, STEP) ;
- Des systèmes de régulation en temps réel.
Adaptation des infrastructures
Le réseau français, historiquement conçu pour une production centralisée, doit évoluer vers un modèle distribué. Cela nécessite :
- Une architecture décentralisée, capable de gérer de multiples points de production ;
- L’essor des smart grids pour assurer la flexibilité du réseau électrique ;
- Des investissements importants dans les lignes, les transformateurs, capteurs, protections et les équipements de supervision.
Stabilité du réseau
Les EnR ne fournissent pas l’inertie mécanique essentielle pour maintenir la stabilité du du réseau (50 Hz). Pour compenser cette faiblesse, il est nécessaire de déployer :
- Des compensateurs synchrones ;
- Des batteries réactives fournissant une réponse rapide ;
- Des réserves de puissance activables instantanément (hydraulique, thermique, etc.).
Défis économiques
Coûts d’investissement
Enedis et RTE estiment que près de 100 milliards d’euros seront nécessaires d’ici 2035 pour :
- Créer de nouvelles capacités de production ;
- Moderniser les réseaux existants ;
- Déployer le stockage à grande échelle ;
- Intégrer les technologies de gestion intelligentes.
Réforme du marché de l’électricité
Le marché actuel, basé sur des centrales pilotables, ne correspond plus à un système dominé par des EnR à coût marginal est quasi nul. Il est nécessaire de :
- Réformer les mécanismes de prix et de soutien ;
- Assurer la rentabilité des projets EnR sur le long terme ;
- Encourager les services de flexibilité (effacement, autoconsommation, agrégation…).
Répartition équitable des coûts
La transition énergétique doit être juste. Pour éviter de creuser les inégalités :
- Des dispositifs de soutien doivent être prévus pour les consommateurs vulnérables (tarifs sociaux, aides) ;
- Les coûts doivent être répartis équitablement entre l’État, les producteurs et les consommateurs.
Défis sociaux
Acceptabilité locale
Les projets EnR sont parfois rejetés localement (effet NIMBY) en raison de :
- L’impact sonore ou visuel ;
- L’impact sur les paysages et la dévalorisation du cadre de vie ;
- Manque de concertation préalable.
Emploi et reconversion
La filière EnR est créatrice d’emplois (installateurs, techniciens, ingénieurs), mais cette dynamique suppose :
- La disparition progressive des métiers liés aux énergies fossiles,
- Le besoin urgent de dispositifs de formation et de reconversion.
Nouveaux comportements énergétiques
L’émergence des « prosumers» (producteurs-consommateurs) transforme la relation à l’énergie. Cela implique :
- Une gestion active de la consommation,
- L’usage d’outils numériques (Linky, applications),
- L’adhésion à des dispositifs de flexibilité (effacement, stockage, délestage, pilotage domestique)11.
Une transformation systémique incontournable
Face à ces défis d’ampleur technique, économique et sociale, la transition vers un système électrique 100 % renouvelable ne peut se limiter à des ajustements ponctuels. Elle exige une refonte en profondeur du modèle énergétique, de la planification à l’exploitation. Cela implique l’évolution du rôle des acteurs traditionnels, l’intégration de nouveaux entrants, et la mise en œuvre de technologies de rupture, tout en assurant la stabilité et la résilience du réseau. La coordination entre opérateurs, pouvoirs publics et citoyens devient essentielle pour garantir une trajectoire soutenable, à la fois techniquement maîtrisée, économiquement viable et socialement acceptable. C’est dans ce cadre que les solutions concrètes prennent tout leur sens.
Solutions mises en œuvre
L’intégration massive des EnR dans le réseau électrique français s’accompagne par des déploiements technologiques majeurs visant à répondre aux défis d’intermittence, de stabilité et de pilotage du réseau.

[Source : Adobe Stock]
Stockage de l’énergie
Le stockage de l’énergie constitue un levier essentiel pour équilibrer production et consommation. Plusieurs technologies sont déjà en cours de déploiement :
- Batteries lithium-ion : plus de 900 MW installés en 2024, avec un objectif de 3 à 5 GW à l’horizon 2035 ;
- Stations de transfert d’énergie par pompage (STEP) : environ 5 GW en service, jouant un rôle clé dans la régulation à grande échelle ;
- Hydrogène vert : filière émergente soutenue par un plan d’investissement de 9 milliards d’euros d’ici 2030.
Réseaux intelligents et microgrids
La digitalisation du réseau électrique permet un pilotage dynamique et décentralisé :
- Smart grids : outils numériques de supervision et d’optimisation en temps réel des flux électriques ;
- Compteurs Linky : 37 millions de compteurs communicants déployés, facilitant l’ajustement entre production et consommation ;
- Microgrids : systèmes autonomes combinant production locale, stockage et pilotage intelligent – comme sur l’Île de Sein en Bretagne.
Stabilité du réseau et protections intelligentes
Pour garantir la stabilité du réseau électrique en l’absence d’inertie naturelle, des dispositifs avancés peuvent être mis en œuvre :
- Compensateurs synchrones : remplacent l’inertie mécanique des centrales traditionnelles ;
- Réserves de puissance rapide : environ 2,5 GW mobilisables en quelques secondes pour faire face aux aléas ;
- Systèmes de surveillance en temps réel : protègent le réseau électrique contre les surtensions, les courts-circuits et les pertes de synchronisation.
Focus : Le rôle de Yélé
Yélé accompagne Enedis dans l’exploitation et l’évolution de l’outil ERABLE, conçu pour simuler et sécuriser l’intégration des EnR. Grâce à cette expertise :
- Yélé contribue à la résilience du réseau électrique, en anticipant les contraintes d’exploitation ;
- L’équipe Yélé assure une mise à jour continue de l’outil pour l’adapter aux nouveaux scénarios énergétiques ;
- En parallèle, Yélé pilote des projets de microgrids en Afrique, visant à favoriser un accès fiable à l’énergie dans des territoires isolés, grâce à des systèmes autonomes durables.

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Sources :
- U. N. C. Change, « L’Accord de Paris » Décembre 2015 : https://unfccc.int/fr/a-propos-des-ndcs/l-accord-de-paris.
- M. A. d. T. &. T. Ecologique, « La Loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV) » Décembre 2016 : https://www.ecologie.gouv.fr/politiques-publiques/loi-transition-energetique-croissance-verte.
- «. é. d. S. G. 2. ENEDIS : https://www.enedis.fr/sites/default/files/documents/pdf/rapport-valorisation-economique-des-smart-grids.pdf.
- « ENEDIS, « Programme 2016 de R&D » 2016 » : https://www.cre.fr/fileadmin/Documents/Rapports_et_etudes/import/RapportPublicEnedis_Programme_2016_R_D_01.pdf.
- M. A. d. T. &. T. Ecologique, « Programmations pluriannuelles de l’énergie (PPE) » : https://www.ecologie.gouv.fr/politiques-publiques/programmations-pluriannuelles-lenergie-ppe.
- N. Mann, « Comment les réseaux électriques font face au défi de l’intégration des énergies renouvelables » Mars 2022. [En ligne]. Available : https://www.usinenouvelle.com/editorial/comment-les-reseaux-electriques-font-face-au-defi-de-l-integration-des-energies-renouvelables.N1787337.
- ADEME, « Défis techniques et solutions pour une intégration efficace des énergies renouvelables ».
- T. d. Isère, « L’avenir des énergies renouvelables dans le réseau de distribution » Aout 2024.: https://www.te38.fr/une-journee-de-reflexion-lavenir-des-energies-renouvelables-dans-le-reseau-de-distribution/.
- CLIMAXION, « Energies renouvelables : la baisse des coûts se confirme » 2023 : https://www.climaxion.fr/blog/climaxion-explique/energies-renouvelables-baisse-couts-se-confirme.
- LATRIBUNE, « Réseau électrique: 96 milliards d’euros, ces coûts cachés (et colossaux) de la transition énergétique » : https://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/energie-environnement/reseau-electrique-96-milliards-d-euros-ces-couts-caches-et-colossaux-de-la-transition-energetique-955052.html.
- E. PARTAGEE, « L’impact social des projets citoyens » 2024 : https://energie-partagee.org/decouvrir/energie-citoyenne/impact-social/.
- « Batterie lithium-ion » : https://www.rinnovabili.net/wp-content/uploads/2024/07/FRANCE-%E2%80%93-FINAL-UPDATED-NECP-2021-2030-English.pdf.
- « Hydro » : https://www.info.gouv.fr/actualite/france-2030-accelerer-le-deploiement-de-l-hydrogene-cle-de-voute-de-la-decarbonation-de-l-industrie.
- « microgrid » : https://www.cre.fr/documents/fiches-demonstrateurs-smartgrids/ile-de-sein.html.
- « Stabilité » : https://assets.rte-france.com/prod/public/2021-11/RTE_RAPPORT_qualite_electricite_2020.pdf.
Rédacteurs : Abdelali HALLAL, Ikram MAATOUG, Oussama CHEBAB, Sara MKATTIRI, Aurélien PALLAVISINI
Autre contact de référence : Benjamin BRUNNER