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Quelles avancées du Mobility as a Service (MaaS) en France depuis la loi LOM ?

Les moyens de déplacement alternatifs à la voiture individuelle disponibles au quotidien sont d’une large variété : transports en commun, covoiturage, mobilités douces comme le vélo, autopartage, etc. Néanmoins, les usagers sont souvent amenés à consulter différentes applications pour s’informer et comparer les offres en termes de temps de trajet et de coût notamment. L’idée d’intégrer, dans une seule plateforme digitale, l’ensemble des moyens de transport disponibles en temps réel, un calcul d’itinéraire ainsi qu’un service de billettique, se montre alors assez pratique. En quelques clics, l’utilisateur pourrait ainsi accéder aux différentes offres disponibles, comparer les temps de trajets, leur coût et l’impact environnemental associé et procéder au paiement. C’est le concept du Mobility as a Service (MaaS).

Actuellement, les solutions de MaaS peuvent être classées en quatre niveaux différents en fonction des services proposés1 :

  1. Planification des trajets ;
  2. Planification et vente de billets ;
  3. Planification, vente de billets et tarification (vente de forfaits tout inclus) ;
  4. Planification, vente de billets, tarification et incitations à s’orienter vers certains types de mobilités, en particulier bas-carbone.

Ce concept de MaaS est fortement soutenu par la loi. En effet, la loi n°2019-1428 du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités (LOM) visait notamment au développement de nouvelles solutions de mobilité pour mieux répondre aux besoins quotidiens2.

Le décret n° 2021-1595 publié le 7 décembre 2021, relatif au service numérique d’information et de billettique multimodal, définit les règles de garantie financière, de traitement et de partage des données entre les services numériques MaaS et les opérateurs de transport3.

Quelles sont les avancées du MaaS en France ?

L’observatoire de MaaS proposé par le Cerema recense environ une centaine d’applications existantes à ce jour (dont une partie correspondant à des expérimentations)4.

Certaines applications sont issues des services publics et d’autres privés, certaines concernent le niveau local alors que d’autres sont à l’échelle régionale et bien d’autres différences majeures.

En effet, ces applications n’intègrent pas toutes les mêmes modes de transport dans le calcul d’itinéraire ou dans la possibilité de paiement directement via l’application de MaaS.

De plus, les modalités de paiement sont différentes. À titre d’exemple, pour l’application de MaaS Moovizy de Saint-Étienne, l’utilisateur est prélevé de deux manières différentes en fonction du mode de transport choisi. Soit il est débité automatiquement en une seule transaction pour le total des consommations (bus, tram et vélo) au début du mois suivant, soit il est débité directement après la course ou la location effectuée pour l’autopartage et les taxis. Le covoiturage a été intégré à l’application, avec affichage des trajets disponibles et possibilité de contacter le conducteur, mais le paiement se fait ensuite de main en main, en dehors de la plateforme Moovizy. Cependant, le fonctionnement est différent pour le Système d’Information Multimodal Modalis de la région Nouvelle-Aquitaine qui propose plutôt une carte billettique régionale interopérable utilisable dans les trains et les cars régionaux alors que le covoiturage pourrait être payé sur mobile via un renvoi externe.

Les critères les plus souvent utilisés dans la recherche d’itinéraire sont la durée du trajet, le confort (le moins de changements) ainsi que le temps de marche. En plus, en fonction des applications, l’usager peut indiquer les préférences suivantes : le choix des modes de déplacements, le choix des services de transport, la distance maximale à pied, la distance maximale à vélo, la vitesse de vélo, privilégier les aménagements cyclables, l’accès de la voiture vers tout arrêt de transport, l’accessibilité PMR, etc. Pour certaines applications, il y a des modes de transport avec des informations prédictives telles que le pourcentage de chance d’avoir un vélo en station, le pourcentage de chance d’avoir une place de parking disponible ainsi que la prédiction de trafic dans 1h.

Les applications existantes s’améliorent au fur et à mesure en intégrant de nouveaux modes de transport et services de mobilité ainsi que de nouvelles fonctionnalités.

En termes d’acteurs impliqués dans les solutions de MaaS, tout un écosystème est en cours de développement : l’opérateur du système (public ou privé), les opérateurs de mobilité, les entreprises d’appui dans la phase amont, les spécialistes de calcul d’itinéraires, les développeurs des applications mobiles, les réalisateurs du référentiel multimodal, les organismes et autorités de transport qui détiennent les données, les sociétés de gestion de paiement intégré, les plateformes d’agrégation de taxis/VTC (Voiture de Transport avec Chauffeur), etc.

Grâce aux efforts importants de tous ces acteurs engagés, des solutions de MaaS se sont concrétisées pour faciliter et améliorer l’expérience de mobilité des usagers.

Cependant, les enjeux du MaaS demeurent importants

L’enjeu économique est fort. En effet, les opérateurs qui proposent des services de mobilité, comme l’autopartage et le covoiturage, ont leurs propres plateformes et leurs propres modèles d’affaires. Pour réussir à réunir les différents services, il faudra proposer un modèle économique commun et acceptable pour tous les acteurs malgré l’hétérogénéité des modèles existants.

En outre, il est nécessaire de bien définir l’objectif et la finalité du projet MaaS, co-construire le projet avec les différentes parties prenantes et les usagers en particulier, bien cadrer la démarche et définir le mode de gouvernance.

Le sujet des données est important également. L’application smartphone ne représente qu’un élément d’un tout. Comment attirer davantage les usagers ? Lorsque les données sont partagées, les algorithmes prédictifs pour exploiter les comportements passés pourraient aider dans la construction des offres adaptées aux usages. Et au-delà du traitement et de l’analyse des données partagées, il faut s’assurer de leur sécurisation.

Par ailleurs, le périurbain est mal desservi aujourd’hui ce qui nécessite l’urbanisation de l’offre de transport.

Afin de répondre à ces enjeux, de nombreux groupes de travail se montent à l’échelle nationale sur les thématiques de la gouvernance, l’architecture fonctionnelle et la standardisation des interfaces, les données du MaaS, les usages du MaaS, l’évaluation du MaaS, les modèles économiques, etc5. Les expérimentations de MaaS ainsi que les retours d’expérience des applications en place devraient enrichir les réflexions et ces groupes de travail en particulier.

Des questions encore en suspens

La mutualisation des solutions existantes est-elle envisageable ? Si la mutualisation à grande échelle peut s’avérer complexe et moins pertinente du fait que les caractéristiques des villes et des régions sont différentes, proposer plusieurs solutions différentes de MaaS à l’échelle d’une ville ne simplifie pas l’expérience de l’usager qui attend du MaaS une solution tout-en-un.

D’un point de vue de gouvernance, quelle stratégie anime aujourd’hui la multitude des acteurs cités précédemment ? Qui joue le rôle de régulateur de tous ces différents acteurs ? Quel rôle est incarné par les collectivités aujourd’hui ? Le rôle des collectivités semble crucial et les Autorités Organisatrices des Transports (AOT) sont les plus légitimes pour proposer ces applications ou au moins les soutenir et les encadrer au démarrage. En effet, les AOT ont la main sur des subventions publiques d’une part et peuvent être en mesure de collecter les données locales d’autre part. Cette intervention des collectivités locales se justifie également par le poids des acteurs publics dans la mobilité et par les bénéfices collectifs apportés par le MaaS (moins de bouchons, de pollution, plus de confort pour les habitants, un meilleur usage des moyens existants et donc des économies à terme pour la collectivité).

MaaS : les convictions de Yélé

Pour que la promesse soit tenue, Yélé est convaincu qu’il est nécessaire de tendre vers une exhaustivité et une homogénéité des solutions de MaaS. En effet, il est plus intéressant pour les usagers de limiter le nombre d’applications à l’échelle d’un territoire, d’intégrer le maximum de modes de transport et de les attirer davantage en proposant des trajets qui correspondent le mieux à leurs usages et préférences et en tenant compte de leurs éventuels tarifs préférentiels.

Idéalement, nous imaginons une seule interface nationale ou européenne qui permet de pointer sur chacune des plateformes locales. Avoir un accès unique qui regroupe tous les acteurs locaux de MaaS aura plusieurs intérêts.

D’abord, cette plateforme unique aura un effet de cadrage et de transparence afin d’éviter les éventuelles dérives. À titre d’exemple, la tarification dynamique en fonction de la demande ne semble pas normalisée aujourd’hui notamment pour les plateformes de mise en contact d’utilisateurs avec des conducteurs.

En outre, il y a un intérêt environnemental de ne pas démultiplier les plateformes et les serveurs de calcul et de conservation des données afin de réduire les émissions de carbone.

De plus, cela permettra de limiter la fuite des données et assurer ainsi plus de garanties pour l’usager.

Et enfin, une seule interface garantit une meilleure publicité pour l’offre de MaaS ce qui permettrait d’une part d’aider les utilisateurs à comprendre les offres et d’attirer d’autre part de nouveaux utilisateurs.

Mais pour que cela soit réalisable, il faudra trouver des moyens pour attirer les acteurs publics et privés afin qu’ils acceptent de faire partie de cette interface commune et en particulier de partager les données nécessaires. Le chemin du MaaS est encore long !


1 MaaS : Qu’est-ce que le Mobility as a Service? Définition et perspectives – lyko.blog – 2019

2 LOI n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités – legifrance.gouv.fr – 2022

3 Publication du décret d’application de la loi d’orientation des mobilités relatif aux services numériques multimodaux – ecologie.gouv.fr – 2021

4 Cartographie du MaaS – smart-city.cerema.fr – 2022

5 Les groupes de travail sur le MaaS – francemobilites.fr – 2022


Auteure : Abir KRIFIConsultante

Manager Mobilité : Guillaume DARDELINResponsable agence AuRA