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La traçabilité carbone, un besoin à anticiper pour l’industrie de demain

Extrait de notre dossier complet « Nos Convictions : réflexions sur 9 grands thèmes de la transition énergétique à l’occasion de nos 10 ans », disponible fin juin 2020.

Le suivi et le calcul des émissions générées tout au long de la chaîne de valeur d’un produit

La traçabilité carbone d’un produit est une approche différente d’un reporting organisationnel annuel des émissions de gaz à effet de serre (GES). En effet, la traçabilité carbone consiste à suivre et à calculer, de la manière la plus fine possible, les émissions de GES générées tout au long de la chaîne de valeur d’un produit. Ceci inclut les émissions directes (Scope 1)1 et indirectes (Scope 22 et Scope 33) des GES.

Avec l’évolution de la maturité du marché et l’entrée en vigueur de nouvelles contraintes règlementaires, la précision et la granularité exigées dans la traçabilité carbone d’un produit vont progressivement augmenter, en partant de la mise en place d’approches d’analyse de cycle de vie, l’utilisation de labels bas carbone au niveau d’usines pilotes, jusqu’au recours à une traçabilité carbone en temps réel.

La réglementation actuelle ne rend pas obligatoire la traçabilité carbone des produits

Il existe deux réglementations en France qui définissent les obligations de reporting (et non pas de traçabilité produit) des émissions de GES pour les organisations, à savoir l’article 75 du code de l’environnement et l’article 225 du code du commerce.

La réglementation actuelle ne rend donc pas obligatoire la traçabilité carbone des produits. Cependant, les industriels devront anticiper les évolutions réglementaires susceptibles de renforcer les contraintes actuelles en imposant une mesure plus fine et plus précise de leurs émissions de GES. À titre d’exemple, les dernières recommandations de la Commission européenne, en lien avec le Green Deal européen et la réduction de l’empreinte carbone de l’industrie électro-intensive, présentent un véritable signal réglementaire que les acteurs industriels doivent analyser et surveiller. Par exemple, il est proposé dans le cadre du Green Deal de mettre en place une taxe carbone aux frontières de l’UE ainsi que la création de marchés publics pour les produits bas carbone.

Le nombre d’acteurs industriels se dotant d’une stratégie bas carbone est amené à augmenter

Le nombre d’acteurs industriels se dotant d’une stratégie bas carbone (basée sur une traçabilité fine des émissions) augmentera sous l’effet de plusieurs facteurs :

  • La réglementation, qui deviendra de plus en plus contraignante
  • Les consommateurs finaux, qui voudront de plus en plus disposer de produits à faible intensité carbone. Leurs exigences environnementales se verront ainsi transférées par ricochet sur l’ensemble de la chaîne de fabrication des produits en amont
  • La volonté des industriels d’améliorer leur image de marque
  • Les exigences de certains industriels précurseurs (par exemple les industriels électro-intensifs) vis-à-vis de leurs fournisseurs et sous-traitants, qui eux-mêmes répercuteront ces nouvelles exigences auprès de leurs propres fournisseurs et sous-traitants. Ainsi, de plus en plus d’entreprises devront adopter une comptabilité carbone. À partir d’un certain « degré de généralisation » sur une chaîne complète de fabrication d’un produit, la mesure de l’ensemble des émissions de gaz à effet de serre devient envisageable (y compris les émissions indirectes du scope 3)
  • Une évolution des politiques d’achat et de consommation des énergies renouvelables (Corporate PPA, autoconsommation, etc.), engendrant un besoin de gestion de l’intermittence de ces énergies via une traçabilité précise. Le fonctionnement actuel du mécanisme des Garanties d’Origine (GO) devra donc évoluer pour permettre la traçabilité de l’énergie à une échelle plus fine (mensuelle, journalière, voire horaire).

Or, une démarche bas carbone se décompose en trois étapes principales, à savoir : mesurer, réduire et compenser. La brique de mesure est donc un prérequis pour entreprendre des démarches de réduction et éventuellement de compensation dans un second temps. Cette brique de mesure est apportée par un système de traçabilité carbone qui permet, de la manière la plus fine possible :

  • De mesurer la consommation des flux énergétiques (électricité, gaz, chaleur) et des flux de matières premières en entrée d’un procédé industriel
  • De calculer l’intensité carbone du produit en sortie d’un procédé industriel, au moyen d’une matrice de conversion qui définit la quantité de CO2 contenue dans une unité d’énergie ou de matière première
  • De constituer un historique de l’ensemble de ces données, pour des analyses a posteriori

Un nombre croissant d’acteurs industriels vont donc se doter de tels systèmes de traçabilité carbone. Les précurseurs en la matière pourraient être les industriels dont l’intensité carbone de leurs produits est la plus élevée (e.g. industrie manufacturière, transports).

Il sera nécessaire de standardiser la traçabilité carbone

À mesure qu’une traçabilité carbone fine et précise se généralisera, la nécessité de standardiser les calculs et les périmètres se fera plus prégnante sous l’effet notamment :

  • De l’interdépendance des différents acteurs entre eux, dans une relation clients-fournisseurs
  • De la volonté qui émergera de pouvoir comparer les intensités carbone des produits (e.g. comparaison entre acteurs au sein d’un même secteur, comparaison entre secteurs en France, comparaison pour un secteur entre pays) et dans un second temps les performances en termes de réduction et de compensation carbone

La standardisation consistera à définir :

  • Des périmètres équivalents de comptabilisation, afin de garantir la cohérence des mesures entre les différents acteurs
  • Des spécifications techniques (règles de calculs, pas de temps, etc.) communes pour faciliter la création d’interfaces et l’échange de données carbone entre les différents acteurs

Les technologies du numérique permettront le développement de systèmes de traçabilité

Les systèmes de traçabilité nécessitent de pouvoir remonter de la donnée en entrée et en sortie des procédés industriels, et de les analyser afin de calculer de la manière la plus fine possible l’empreinte carbone du produit (approche réglementaire ou volontaire), avant d’envisager des éventuelles réductions et compensations.

Ainsi, les technologies du numérique rendront possible la mise en place des briques nécessaires à la mesure, la remontée et l’analyse des données carbone : capteurs, internet des objets, SCADA, outils de visualisation, etc. Certains industriels précurseurs pourront même se positionner en tant que fournisseurs de services de traçabilité carbone, après avoir développé, implémenté et expérimenté de tels systèmes sur leurs propres périmètres.

1 Scope 1 du Bilan GES tel que défini dans le GHG Protocol. Il s’agit des émissions provenant des installations à l’intérieur du périmètre de l’organisation (e.g. combustion d’hydrocarbures, fuites de fluides frigorigènes, etc.)
2 Scope 2 du Bilan GES tel que défini dans le GHG Protocol. Il s’agit des émissions indirectes associées à la fourniture d’énergie (e.g. l’électricité, chaleur, froid)
3 Scope 3 du Bilan GES tel que défini dans le GHG Protocol. Il s’agit des émissions qui ne sont pas directement liées à la fabrication du produit (e.g. approvisionnement en matière première, le transport, les déchets de l’activité, etc.)

Nos référents « Traçabilité carbone »

Sami Ghardaddou

Antoine Simionesco