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Chaîne gazière 4.0 : la digitalisation, levier clé de performance et de transition

Dans son rapport TYNDP 2024, l’ENTSOG recense plus de 320 projets d’infrastructure énergétique, dont 95 liés au gaz naturel et 202 dédiés à l’hydrogène, traduisant un basculement stratégique vers la décarbonation du réseau. Cette dynamique s’accompagne d’investissements massifs à l’échelle européenne, dont les estimations projetées pour les projets hydrogène seuls s’élèvent à plus de 167 milliards d’euros, marquant un tournant dans la planification énergétique continentale. Parallèlement, la CRE, dans son rapport 2024 sur les démonstrateurs de réseaux intelligents, met en lumière les bénéfices tangibles de la digitalisation des réseaux, et plus particulièrement de la digitalisation de la chaîne gazière, permettant une optimisation de la gestion des flux énergétiques et une réduction significative des coûts d’exploitation. Ces avancées sont cruciales pour l’efficacité, la résilience et la rentabilité des infrastructures, contribuant ainsi à atteindre les objectifs de décarbonation fixés pour le secteur gazier, tout en renforçant le potentiel de digitalisation et la modernisation des réseaux industriels.

Une transition déjà engagée dans le secteur énergétique

La digitalisation de la chaîne gazière n’est pas une dynamique nouvelle : elle s’inscrit dans une évolution progressive lancée dès les années 2000, avec l’automatisation des premiers postes de régulation et l’émergence de systèmes de supervision à distance (SCADA). Cette digitalisation a vu l’intégration croissante de capteurs connectés, de solutions de télégestion et de plateformes d’analyse a permis une transformation en profondeur du pilotage des infrastructures gazières et les réseaux associés.

Aujourd’hui, un large éventail de technologies numériques est mobilisé sur toute la chaîne de valeur gazière :

  • Internet des objets (IoT) : capteurs de pression, débitmètres intelligents et équipements communicants permettent une collecte de données en continu sur le terrain.
  • Big Data et IA : l’analyse de volumes massifs de données opérationnelles contribue à la maintenance prédictive, à l’optimisation des flux et à la détection automatique d’anomalies.
  • Jumeaux numériques : ces répliques virtuelles d’actifs physiques permettent de simuler des scénarios d’exploitation ou de maintenance, et d’évaluer l’impact d’interventions à l’avance dans une infrastructure gazière.
  • Télépilotage et supervision en temps réel : les centres de contrôle s’appuient sur des interfaces intelligentes pour ajuster en continu les paramètres de fonctionnement du réseau.
  • Cloud computing et edge computing : le cloud facilite le traitement centralisé de l’information, tandis que l’edge permet des prises de décision locales en temps réel, au plus près des équipements.
  • Partage et interconnexion des données : les plateformes d’échange sécurisées favorisent la coopération entre opérateurs et l’émergence de services numériques à valeur ajoutée.

La montée en puissance de ces technologies s’explique par leur maturité croissante, leur accessibilité économique et leur intégration dans des systèmes ouverts et interopérables.

Figure 1 : Schéma explicatif des jumeaux numériques ; Lien entre la représentation physique et numérique – Enjoy

Figure 2 : Différence entre Cloud et Edge computing – Digi International

Digitalisation de la chaîne gazière : panorama des cas d’usage

Dans le prolongement d’une transition numérique déjà bien engagée dans l’ensemble du secteur énergétique, la chaîne gazière connaît à son tour une transformation en profondeur, portée par la maturité croissante des technologies digitales (IoT, jumeaux numériques, edge computing, intelligence artificielle, cloud) et par l’exigence croissante de performance opérationnelle et environnementale. Ces innovations trouvent aujourd’hui des applications concrètes sur l’ensemble des maillons de la chaîne de valeur, définissant ainsi les standards de performance, de sécurité et de flexibilité :

  • En amont, la production s’appuie sur l’IoT pour assurer une surveillance en temps réel des équipements, permettant une réactivité accrue face aux anomalies et une gestion efficace des actifs.
  • Lors du transport et du stockage, l’intelligence artificielle permet d’anticiper les défaillances via des dispositifs de maintenance prédictive, réduisant ainsi les temps d’arrêt et les coûts d’intervention.
  • La distribution bénéficie quant à elle des compteurs intelligents (smart meters) et des systèmes de supervision avancée, facilitant la détection rapide des fuites et une meilleure exploitation des réseaux de proximité.
  • Coté consommation, les opérateurs déploient des outils de monitoring en temps réel pour affiner le pilotage de la demande.
  • Enfin, à l’échelle du système, les gestionnaires des réseaux s’équipent des outils d’aide à la décision et de pilotage à distance des organes, favorisant une conduite du réseau agile, capable d’absorber les fluctuations de production et d’usage liées aux enjeux de transition énergétique.

Ce panorama illustre comment la digitalisation devient un levier stratégique pour bâtir une chaîne gazière plus résiliente, efficiente et durable.

Le Smart Grid par NaTran - Yélé Consulting

Figure 3 : Le Smart Grid par NaTran – Connect

Bénéfices de la digitalisation pour l’évolution des réseaux

La digitalisation de la chaîne gazière engendre des bénéfices tangibles, tant sur le plan technique qu’économique, environnemental et sécuritaire. Elle s’impose comme un levier stratégique au service de la compétitivité et de la transition énergétique du secteur.

  • Efficacité opérationnelle accrue : L’automatisation des tâches de supervision et de pilotage, la généralisation des capteurs intelligents et l’optimisation de la maintenance permettent une nette amélioration de la performance opérationnelle.
Par exemple, GRDF a déployé à partir de 2020 un système de supervision avancé de ses postes de distribution dans le cadre de son programme TEX (Télé-EXploitation)(3). Grâce à des capteurs communicants et à une supervision centralisée, ces systèmes permettent une surveillance en temps réel, une réduction des délais d’intervention, une amélioration de la sécurité, ainsi qu’un meilleur pilotage de l’injection de gaz renouvelables.
  • Renforcement de la sécurité : La surveillance en temps réel des infrastructures grâce aux capteurs intelligents permet de détecter immédiatement les anomalies ou les situations à risque. Les alertes automatiques et la visualisation à distance des données renforcent la sécurité des agents et des installations. La maintenance prédictive réduit également les risques d’accidents liés à des défaillances non anticipées.
  • Durabilité et réduction de l’empreinte carbone : Dans le cadre de l’initiative mondiale sur le méthane (Global Methane Pledge)(4) adoptée lors de la COP26, l’Union européenne s’est engagée à réduire ses émissions de méthane d’au moins 30 % d’ici 2030 par rapport aux niveaux de 2020. Les gestionnaires de réseaux français, ont mis en place des plans d’action intégrant des outils de détection numérique pour atteindre leurs objectifs de réduction des émissions de méthane. En effet, la digitalisation contribue activement à la réduction des pertes et des émissions fugitives, en particulier de méthane.
  • Un socle pour la transition vers les gaz renouvelables : La digitalisation prépare également les réseaux à l’accueil de nouveaux gaz, comme le biométhane ou l’hydrogène. Elle permet d’adapter les flux en temps réel, d’assurer une qualité homogène du gaz injecté et d’anticiper les effets de la variabilité de la production. Les outils de simulation, de prévision et de conduite à distance sont essentiels pour intégrer ces nouveaux vecteurs énergétiques dans des infrastructures conçues à l’origine pour le gaz naturel.
  • Rentabilité économique et optimisation des investissements : Au-delà des gains opérationnels et environnementaux, la digitalisation permet également d’améliorer significativement la rentabilité économique des infrastructures gazières. En automatisant certaines opérations, en anticipant les défaillances, en optimisant les calendriers de maintenance et en réduisant les arrêts non planifiés, les opérateurs peuvent réduire leurs coûts d’exploitation (OPEX) tout en optimisant leurs investissements (CAPEX).

La digitalisation du secteur de l’énergie, en particulier de la chaîne gazière, s’accompagne de nombreux défis à la fois organisationnels et structurels.

Parmi eux, la cybersécurité constitue une priorité absolue. L’accès aux données critiques impose la mise en place des dispositifs robustes de protection des réseaux et des infrastructures sensibles notamment dans le cadre des obligations des Opérateurs de Services Essentiels (OSE) et des Opérateurs d’Importance Vitale (OIV).

À ces enjeux s’ajoute le coût d’investissement, souvent très élevé. Il nécessite l’élaboration d’une feuille de route rigoureusement définie accompagnée d’un phasage précis des projets afin de garantir un retour sur investissement (ROI) optimal, généralement observable à moyen terme.

L’interopérabilité des systèmes représente également un défi central. Elle implique la mise en place de normes, de protocoles, et de technologies capables de permettre une communication fluide entre systèmes existants et futurs, souvent hétérogènes et issus de fournisseurs différents, sans intervention humaine.

Par ailleurs, la réussite des projets de transformation digitale repose sur une conduite du changement maîtrisée. Celle-ci passe par l’acculturation des équipes aux nouveaux processus métier et par la collaboration étroite entre les différentes directions (DSI, techniques, achat, etc.).

Enfin, la gouvernance de la donnée s’impose comme un levier stratégique. Elle suppose non seulement la capacité des acteurs à collaborer autour de la donnée, mais aussi la mise en œuvre de mécanismes assurant sa qualité, sa protection et sa conformité réglementaire. L’exploitation intelligente de ces données devient un facteur clé d’optimisation des processus et de création de valeur.

Créer de la valeur pour les utilisateurs finaux grâce à la digitalisation

Au-delà des bénéfices techniques pour les opérateurs, la digitalisation de la chaîne gazière crée également une valeur concrète pour les clients finaux, qu’ils soient industriels, collectivités ou consommateurs professionnels. L’interopérabilité des systèmes numériques leur offre une plus grande autonomie vis-à-vis de leurs fournisseurs, favorise une stratégie d’éco-achats plus agile, et réduit le risque d’obsolescence technologique en facilitant l’intégration de nouveaux outils ou services. Cette flexibilité contribue à optimiser les coûts, améliorer la maintenance et garantir l’évolutivité des solutions sur le long terme. Dans un contexte de réglementation croissante autour de la RSE, de durabilité et de performance environnementale, les systèmes numériques interopérables permettent aussi de mieux répondre aux exigences normatives, d’accroître le taux de réparabilité des équipements, et de valoriser l’engagement environnemental des acteurs. À grande échelle, cette création de valeur alimente la compétitivité de l’ensemble des filières industrielles et renforce la souveraineté énergétique des territoires.

L’impulsion institutionnelle et industrielle : un levier nécessaire pour l’adoption des technologies innovantes

L’accélération de la digitalisation de la chaîne gazière repose sur une dynamique collective, portée à la fois par les pouvoirs publics, les régulateurs, les gestionnaires des réseaux de transport et distribution et l’écosystème industriel.

Les institutions publiques, au premier rang l’Etat et les autorités de régulation comme la CRE, ont un rôle moteur à jouer. Elles doivent favoriser un cadre réglementaire évolutif et technophile, capable de s’adapter à l’émergence rapide des technologies, tout en garantissant la sécurité et la souveraineté des données. Un accès facilité à des données ouvertes, interopérables et de qualité est une condition sine qua non pour stimuler l’innovation et faire émerger des cas d’usage à forte valeur ajoutée.

Les gestionnaires de réseaux doivent quant à eux jouer un rôle d’entraînement, en intégrant les technologies numériques dans leurs feuilles de route stratégiques et en accélérant les phases d’expérimentation sur le terrain. L’industrialisation des solutions digitales nécessite une gouvernance, des capacités de gestion de projet renforcées, ainsi une culture de la donnée ancrée dans les pratiques opérationnelles. Chez Yélé, nous le vivons au quotidien aux côtés des gestionnaires de réseaux, en accompagnant la structuration, le pilotage et la mise en œuvre de ces transformations digitales avec une maîtrise éprouvée des enjeux métiers, IT et data.

Cette transformation doit être inscrite dans un cadre de financement clair et structurant. Les mécanismes mis en place au niveau national et européen, tel que les appels à projets du programme Horizon Europe, le CEF, ou mécanisme pour l’interconnexion en Europe, les fonds alloués par le Clean Hydrogen Partnership, l’initiative le Pacte Vert pour l’Europe ou encore le Digital Europe Programme (DIGITAL) sont autant d’opportunités pour financer la R&D, le déploiement de pilotes ou la modernisation des infrastructures.

Enfin, depuis le 5 juin 2023, une réglementation européenne (Règlement UE 2023/957) impose aux opérateurs du secteur de l’énergie de surveiller et rapporter systématiquement les émissions fugitives, avec des seuils d’émission de plus en plus contraignants. En France, la Stratégie Nationale Bas-Carbone vise à réduire de 40% les émissions du secteur énergétique par rapport à 1990. La digitalisation aide à atteindre ces objectifs en facilitant la détection des fuites, la maintenance ciblée et le suivi des opérations. Elle devient donc un outil essentiel pour allier performance, durabilité et sécurité.

Chez Yélé, nous accompagnons les acteurs du secteur dans les défis d’une transition énergétique et environnementale rapide, en intégrant pleinement les enjeux liés aux gaz renouvelables

Notre approche repose sur une numérisation responsable, pragmatique et durable, au service d’un système énergétique plus flexible et interopérable. Nous intervenons à la fois sur le plan stratégique (définition de feuilles de route, choix technologiques, benchmarks sectoriels) et opérationnel, à travers la gestion de projets, l’intégration de solutions innovantes et l’appui à la conduite du changement. Forts de notre expertise, nous contribuons à bâtir des infrastructures gazières modernes, adaptées aux nouveaux usages et résolument tournées vers la neutralité carbone.

Glossaire :

  • CRE : Commission de Régulation de l’Energie
  • DSI : Direction Système d’Information
  • IA : Intelligence Artificielle
  • IoT: Internet of Things
  • Opérateurs de Services Essentiels (OSE)
  • Opérateurs d’Importance Vitale (OIV).
  • SCADA : Supervision Control and Data Acquisition
  • TYNDP: Ten-Year Network Development Plans
Vue de dessus d'un ouvrier de la raffinerie marchant près des conduites de gaz, vérifiant l'approvisionnement en essence et les installations dans l'usine de production. - Yélé Consulting

Sources :


Rédacteur : Fatima-Ezzahra TAYAB, Axel DI CAMPO

Autres contacts de référence : Audrey BERGERON, Benjamin BRUNNER