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Mobilité électrique et bornes de recharge : état des lieux et projections

Le ministère de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique ont publié le 16 mai dernier un dossier de presse1 présentant l’état des lieux du déploiement des bornes de recharge de véhicules électriques et la cible à atteindre d’ici 2030.  Quels sont les constats et annonces à en retenir pour la filière ? 

Une accélération du déploiement des véhicules électriques et des infrastructures de recharge 

Source : Avere France – Baromètre des immatriculations (avril 2025) 

On observe une accélération du déploiement des véhicules électriques (VE) et hybrides rechargeables depuis 2020, avec la barre des 2 millions d’unités atteinte fin 2024 et 20 % des véhicules vendus, 100% électriques.  

En parallèle, le déploiement des points de charge suit un rythme encore plus rapide avec l’atteinte de près de 2,5 millions de bornes au 1ᵉʳ trimestre 2025, soit plus que le double depuis début 2022.  

Cette accélération est notamment due aux politiques gouvernementales dont la Loi d’Orientation des Mobilités (LOM) et les obligations de verdissement des flottes professionnelles. Des aides et incitations fiscales ont été mises en place à la fois pour les particuliers ou les entreprises pour encourager leurs employés à adopter le VE.

Une amélioration notable de l’expérience de recharge 

L’expérience de recharge s’est significativement améliorée en 2024. Le taux de disponibilité des points de recharge a augmenté de plus de 10%, franchissant désormais les 90% (part du temps où le point de charge n’est ni en maintenance, ni hors service).  

Les installations de bornes suivent aujourd’hui une logique de maillage diffus sur le territoire français et visent des espaces différents : stations dédiées, restaurants, lieux de divertissement, parkings… facilitant ainsi l’expérience utilisateur et éliminant graduellement les freins à l’électrification du parc automobile. Le nombre de points de charge ouverts au public a dépassé les 168 000. 

Cela est en partie dû aux réglementations et contraintes de plus en plus strictes de la part du législateur vis-à-vis des opérateurs de points de charge. La France qui figure aujourd’hui parmi les trois pays européens les mieux équipés, avec l’Allemagne et les Pays-Bas, vise un objectif d’environ 400 000 points de recharge ouverts au public d’ici 2030 dont 50 000 en recharge rapide et plus de 9 GW cumulés de puissance raccordée sur l’ensemble des bornes ouvertes au public.  

Source (mai 2025) : Observatoire européen des carburants alternatifs 

Vers plus de transparence et d’intelligence dans la recharge en itinérance 

L’État continue à œuvrer pour accélérer l’adoption du VE en misant sur deux principaux critères que sont la disponibilité en temps réel et la transparence du coût de la recharge.  

L’usager doit pouvoir être en mesure d’accéder aux informations relatives aux bornes de recharge en temps réel, lui permettant d’optimiser son trajet en fonction de ses préférences (type de route, vitesse…) et en prenant en compte ses besoins de recharge. Ainsi, il est prévu d’engager une révision des données en open data (localisation, disponibilité, tarifs) à partir de cette année, avec des contrôles annoncés par le gouvernement à partir de 2026. Le concept d’open data existe actuellement, mais son manque de fiabilité n’en permet pas une exploitation optimale.  

Par ailleurs, le sujet du coût de la recharge demeure également flou pour les utilisateurs. Ainsi, l’Etat souhaite disposer de règles claires et harmonisées permettant aux utilisateurs d’estimer au préalable le coût de leur recharge. Cela devrait être possible à la fin de l’année grâce notamment à un simulateur de calcul qui devra pouvoir prendre en compte des informations telles que la structuration de la tarification en fonction de la borne, le prix au kWh, le prix en fonction du temps, ou à la session. Un Groupe de Travail sera prochainement organisé par la DGCCRF (Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes) à ce sujet. Il convient néanmoins de rappeler qu’à date, la tarification des recharges sur les bornes ouvertes au public en France est l’une des moins chères d’Europe, notamment concernant la recharge rapide. 

Source (octobre 2024) : Vogon Today – Où recharger une voiture électrique coûte de plus en moins cher en Europe

L’objectif pour l’État et les parties prenantes est clair : proposer à chacun une recharge facile, de proximité, pour tous et à tout moment. Cela passe par une amélioration de l’information sur la disponibilité des bornes, plus de transparence sur les prix et également par une recharge facilitée pour les particuliers, que ce soit pour les déplacements quotidiens ou occasionnels. 

La recharge à domicile et en entreprise 

Dans le domaine résidentiel, et dans le cadre de sa stratégie de transition énergétique, l’État renforce son soutien à la recharge électrique pour les résidents. Il recommande l’installation de bornes pilotables à domicile (7,4 kW), avec un crédit d’impôt de 500 € et des aides complémentaires via le programme Advenir. En habitat collectif, après décision en assemblée générale, les délais d’installation et de raccordement doivent être réduits à moins de six mois, avec un plan d’action attendu du côté d’Enedis. Des travaux sont déjà en cours avec la CRE notamment. 

Par ailleurs, l’électrification du parc automobile doit être accompagnée pour en maitriser les impacts sur le système électrique. Il s’agit ainsi de répondre au double enjeu de l’équilibre offre-demande : de maîtriser les pointes de consommation d’une part et de profiter d’un levier majeur de flexibilité pour optimiser le fonctionnement quotidien du système électrique d’autre part. Le pilotage des recharges permettrait ainsi d’éviter les pics de consommation et de profiter des heures creuses ou de forte production solaire photovoltaïque (« heures solaires ») pour se recharger. Deux actions sont prévues à cet effet : encourager les offres d’électricité avantageuses aux heures creuses et “solaires”, et proposer des contrats à long terme pour les utilisateurs de véhicules électriques, dans une logique d’incitation à la demande pour consommer en heures creuses, limitant ainsi les risques pour le système électrique. Faciliter l’émergence de ce type d’offre posera à l’avenir la question de la manière dont les fournisseurs pourraient les proposer et donc pourrait amener à réinterroger le design des produits de marchés à terme auxquels ils ont accès pour construire leurs offres.  

Du côté des entreprises, le Gouvernement incite les employeurs à proposer des solutions de recharge à leurs salariés, notamment ceux sans accès à une borne à domicile. L’État montre l’exemple avec l’électrification de sa flotte, et les entreprises sont tenues d’équiper de bornes de recharge leurs parkings de plus de 20 places. 

Enfin, des opérateurs de bornes de recharge appuyés sur leur développement et leurs innovations 

Enfin, pour soutenir les opérateurs de recharge, l’État maintient son dispositif TIRUERT (Taxe Incitative Relative à l’Utilisation d’Énergie Renouvelable dans les Transports). Pour rappel, ce mécanisme vise à promouvoir l’utilisation des énergies renouvelables dans le secteur des transports, en permettant notamment aux aménageurs de bornes de recharge   d’émettre des certificats d’énergie renouvelable. Ces certificats peuvent ensuite être vendus aux opérateurs pétroliers, ce qui leur permet d’avoir une source de revenus complémentaires. Ce levier financier contribue à la fois au développement des infrastructures publiques de recharge et à la valorisation des énergies renouvelables. 

En 2025, ce mécanisme est renforcé pour les opérateurs de recharge en courant continu (recharge haute puissance très majoritairement) avec des exigences sur la transparence des données en temps réel, afin d’améliorer l’expérience utilisateur, notamment lors des longs trajets.   

Pour aller plus loin, la technologie de recharge bidirectionnelle (V2G) est en cours de déploiement. Elle permettra aux usagers des véhicules de restituer de l’électricité au réseau et de profiter ainsi d’opportunités supplémentaires pour baisser le coût de la recharge. Un cadre réglementaire est en préparation pour généraliser cette pratique dès 2026. 

L’objectif gouvernemental de 7 millions de bornes de recharge d’ici 2030 marque une volonté forte d’accélérer la transition vers la mobilité électrique. Toutefois, cette ambition se heurte à plusieurs défis : lenteur des raccordements en copropriété, fiabilité encore perfectible des données en temps réel des bornes de recharge, disparités territoriales dans l’accès à la recharge rapide, ou encore nécessité d’adapter le réseau électrique à une demande croissante.  
 

Si les mesures d’incitation et les partenariats publics/privé sont encourageants, leur mise en œuvre devra être suivie rigoureusement, dans une logique d’éviter que cette transition ne creuse les inégalités d’accès à la mobilité bas carbone. Le succès de cette stratégie dépendra donc autant de la mobilisation des parties prenantes que de la capacité de l’État à lever les freins structurels. À suivre donc. 

Yélé Consulting observe les tendances du marché et deux articles “zoom” seront publiés à la rentrée pour faire suite à celui-ci :  

  • Le marché des véhicules électriques d’occasion 
  • La recharge des véhicules électriques comme levier pour la flexibilité

Rédacteur : Léa CHEVRY