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Tarification dynamique : quels changements SI pour les fournisseurs ?

Début 2021, le fournisseur danois Barry Energy s’est installé sur le marché français en faisant une offre d’électricité disruptive, radicalement différente de la concurrence. Il propose à ses clients d’être facturés sur leur consommation réelle avec un tarif qui varie tous les jours et toutes les heures car indexé sur la bourse de l’électricité Epex Spot. Pour construire son offre de fourniture, Barry Energy a choisi de se rémunérer sur le coût de l’abonnement annuel de ses clients, sans faire de marge sur le prix du kWh. Ses clients cibles sont les technophiles pour lesquels il a développé une offre 100% digitale et mobile avec une application dédiée à la gestion contractuelle et au suivi de consommation.

Cette révolution dans le monde de la fourniture arrive au moment où la France transpose l’article 11 de la Directive Européenne relative au marché de l’électricité qui consacre la Tarification dynamique1. L’offre de tarification dynamique se définit comme  » Un contrat de fourniture d’électricité conclu entre un fournisseur et un client final qui reflète les variations de prix sur les marchés au comptant, y compris les marchés journaliers et infra-journaliers à des intervalles équivalent au moins à la fréquence du règlement du marché. »2. À la différence des offres à prix fixes, où le prix est déterminé au moment de la signature du contrat et se base sur celui des marchés à terme, le prix, ici, dépend des prises de positions effectuées sur les différents produits du marché Spot. Le but principal de ces offres est de mobiliser les flexibilités des consommateurs au service du système électrique. Ce type d’offre devrait voir le jour d’ici à 2022 chez les fournisseurs ayant plus de 200 000 clients BtoC.  Les clients pouvant en bénéficier doivent être dotés d’un compteur intelligent3.

L’arrivée de la tarification dynamique modifie les relations fournisseurs-consommateurs

La tarification dynamique entraîne un changement dans la relation contractuelle et dans le partage des risques entre le fournisseur et son client. Le fournisseur ne supporte plus le risque prix associé à l’achat d’énergie ; il est transféré au client. Cependant, le fournisseur va devoir prendre en compte les changements de facturation qui se complexifie en raison des variations horaires du prix et du passage d’un calcul des consommations d’électricité par différences entre index mensuels à un calcul de consommations sur la base de la courbe de charge télé-relevée du client.

Les risques d’erreurs de facturation (par ex. valeurs manquantes dans les courbes de charge télé-relevées, erreurs dans la correspondance entre courbe de charge et courbe de prix Spot) et les risques de réclamation voire de litiges en raison d’un manque de transparence, d’une incompréhension des factures et des risques encourus par les clients, vont augmenter. L’activité du fournisseur va également évoluer en ce qui concerne la prévision des marges et les prises de positions à l’achat pouvant entrainer des risques supplémentaires. Pour limiter ces risques et offrir le meilleur service possible à leurs clients, les SI des fournisseurs devront évoluer. 

La mise en œuvre de cette nouvelle offre questionne la capacité des Systèmes d’Information (SI) des fournisseurs à proposer ce type d’offre

Habituellement, pour réaliser les prévisions de consommation de leurs clients, les fournisseurs s’appuient sur des profils de consommation type mis à disposition par les Gestionnaires de Réseaux de Distribution (GRD). Les GRD réalisent ces calculs de profilage à partir des index de consommation relevés sur les compteurs des clients. Si l’arrivée des compteurs communicants change la donne en permettant d’affiner les relevés d’index réels grâce à une relève automatique à distance, c’est surtout leur capacité à télé-relever les courbes de charge à un pas horaire voire demi-horaire qui est intéressante dans le cas de la tarification dynamique, en donnant ainsi pour chaque pas de temps la valeur de puissance moyenne appelée. Pour utiliser ces données, les fournisseurs vont devoir développer ou adapter leurs outils de suivi, de traitement et de facturation des consommations.

Ils vont également devoir mettre en œuvre les outils et applications pour communiquer à leur clients les prix de l’électricité qui leurs seront facturés pour chaque pas de temps du jour à venir, afin de leur permettre d’adapter leur consommation en conséquence.

Enfin, si la facturation de l’électricité fournie est réalisée sur la base de courbes de charge, on peut s’attendre, comme c’est le cas pour l’autoconsommation collective, à ce que la reconstitution des flux se fasse également sur cette base, afin d’assurer la cohérence entre les quantités d’énergie facturées par les fournisseurs et celles inscrites à leur périmètre d’équilibre.

Pour parvenir à ces transformations, ils devront prendre en compte : 

  • La forte augmentation de la volumétrie des données manipulées chaque mois par client (sur un mois de 30 jours, au moins 720 fois plus de valeurs de consommations à traiter) lors de la collecte et du traitement des courbes de charge car sinon ils s’exposent à des problèmes d’intégration et de performance
  • L’augmentation des capacités de stockage pour conserver l’ensemble de l’historique des données (prix, courbes de charges, …)
  • L’évolution des SI de gestion de portefeuille en raison de la modification des règles d’achat de l’électricité
  • L’évolution des SI de pricing afin d’accélérer la fréquence de mise à jour des modèles de prix
  • La qualité et la transparence des règles de facturation applicables, ainsi que de correction des données manquantes sur les courbes de chaque le cas échéant. 
  • L’importance de la mise en place d’interfaces client ergonomiques pour communiquer les informations aux clients de la manière la plus claire possible (consommation, anticipation des prix du lendemain, forte variation des prix…) et leur apporter des services de maîtrise voire de pilotage de leur consommation pour répondre à l’obligation de transparence sur les prix.

Pour réaliser ces transformations, les fournisseurs pourront s’inspirer de ce qui est déjà fait pour les clients BtoB où une équivalence à la tarification dynamique est déjà effective. En effet, les clients BtoB ayant une puissance souscrite supérieure à 250 kVA avec un contrat unique, facturés sur la base de leur courbe de charge, bénéficient d’offres indexées sur le marché spot. En comparaison avec la tarification dynamique où le prix est égal à celui du marché spot, le prix pour les offres indexées suit les évolutions à la hausse ou à la baisse du marché spot, mais n’est pas égal à celui-ci.

La mise en œuvre de cette nouvelle réglementation et les conséquences associées pour les fournisseurs et les clients mettent en évidence l’importance d’une transformation numérique profonde des fournisseurs d’énergie pour garantir la bonne gestion opérationnelle et commerciale de leurs services. La mise en place d’offres à tarification dynamique suppose alors de lourds investissements, ce qui risque d’avoir un impact sur l’équilibre économique de leurs offres et sur le développement de ce type d’offre.


Sources

1 Directive Européenne 2019/944 du 5 juin 2019 concernant les Règles communes pour le marché intérieur de l’électricité et Article L332-7 du Code de l’énergie
2 Directive Européenne 2019/944 du 5 juin 2019 concernant les Règles communes pour le marché intérieur de l’électricité
3 Article 11 de la Directive Européenne 2019/944 du 5 juin 2019 concernant les Règles communes pour le marché intérieur de l’électricité


Auteure : Miléna MARQUET – Consultante Énergies & Innovation

Auteure : Danièle CAPO-CHICHI – Consultante Énergies & Utilities

Contact au sujet de cet article : Thibault JANVIER – Manager Responsable des Marchés de l’Énergie