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Le biométhane, une filière à renforcer pour accompagner la transition énergétique

Extrait de notre dossier complet « Nos Convictions : réflexions sur 9 grands thèmes de la transition énergétique à l’occasion de nos 10 ans », disponible fin juin 2020.

La filière biométhane déclare un développement ambitieux : GRDF, acteur décisif dans le développement de cette filière, vise 30% de biométhane injecté sur son réseau d’ici 2030. Ces ambitions se fondent notamment sur la reconnaissance du rôle des unités de méthanisation comme réducteur des émissions carbone par rapport au gaz naturel (23 gCO2eq/kWh contre 220 gCO2eq/kWh selon une étude GRDF). Ainsi, Édouard Sauvage, Directeur Général de GRDF, déclarait fin 2019 : « Le développement de la filière biométhane doit être encouragé, au regard de sa capacité de décarbonation des usages mobilité et chauffage notamment et de création de valeur pour les territoires. »

La croissance du biométhane influence les écosystèmes gazier et agricole en introduisant de nouvelles techniques et en faisant évoluer les métiers

Que ce soit au stade de la production, de l’injection ou de sa valorisation, le biométhane redéfinit les pratiques et les techniques du secteur gazier ainsi que celles de la filière agricole :

  • La production du biométhane modifie les métiers des différents producteurs de biométhane (e.g. agriculteurs) en y ajoutant une dimension énergétique : les déchets organiques deviennent des co-déchets valorisables, et toute une logistique de récupération, de transport et de valorisation est à mettre en place. Le biométhane prend peu à peu le pas sur le biogaz, jusqu’alors utilisé pour la cogénération et présentant une valorisation énergétique moindre. De nouvelles technologies d’épuration font leur apparition, notamment grâce à l’avancée technique des pays voisins en termes d’injection de biométhane
  • Le biométhane produit de manière décentralisée est injecté directement sur le réseau de distribution, sans passer par le processus historique d’acheminement du gaz naturel. En plus de redéfinir les activités et les processus métier des acteurs du réseau de distribution, il redéfinit également les modalités de collaboration entre le réseau de transport et le réseau de distribution, ainsi que les interactions entre les différents acteurs des gestionnaires de réseau
  • Bien que le biométhane soit identique en composition au gaz naturel, son introduction sur les marchés de l’énergie a également un impact sur les consommateurs de gaz, notamment sur ceux souhaitant consommer une énergie plus « vertueuse », à l’instar de la consommation d’électricité verte. Du fait du cadre réglementaire actuel, seuls les fournisseurs d’énergie (comme ENGIE ou Direct Energie) peuvent acheter du biométhane pour ensuite proposer des offres gaz renouvelables à leurs clients, le plus souvent de gros consommateurs industriels ou des particuliers. La valorisation de ce biométhane se fait alors à travers des garanties d’origine (GO) biométhane, fonctionnant à l’instar du marché de garanties d’origine de l’électricité. Fin 2018, le registre national des GO totalisait 28 comptes fournisseurs et 60 comptes producteurs inscrits, couvrant plus de 99% du biométhane injecté dans le réseau au cours de l’année.

Ces évolutions poussent la filière biométhane à définir un modèle économique pérenne et à se professionnaliser pour répondre à ses objectifs de croissance

En France, la première unité de méthanisation injectant sur le réseau a vu le jour en 2011. Fin 2019, 92 sites injectent sur le réseau et plus d’une centaine de projets de méthanisation sont en attente de validation. Cette hausse de la demande est cependant confrontée à un équilibre économique fragile. En effet, les tarifs d’achat du gaz naturel vont diminuer à partir de 2020, menaçant les revenus potentiels des projets de méthanisation qui doivent faire face à des attentes élevées de la part des banques en termes de rentabilité. D’autant plus qu’une diminution des subventions est également pressentie. Les pouvoirs publics semblent se retirer progressivement du sujet, que ce soit à travers des objectifs revus à la baisse en termes de développement (cf. Programmation Pluriannuelle de l’Énergie) ou par une faible augmentation des subventions par rapport au nombre de projets déposés.

Les associations et acteurs en place (e.g. Association des Agriculteurs Méthaniseurs de France, Association Technique Énergie Environnement – Club Biogaz, France gaz renouvelables) ont alors tout intérêt à progressivement occuper cet espace pour accompagner la concrétisation des projets développés et soutenir la filière auprès des pouvoirs publics. Ainsi, de nombreux projets de méthanisation sont montés par des collectifs d’exploitants et soutenus par des associations à travers un accompagnement complémentaire, notamment financier. Des opportunités alternatives de financement voient par ailleurs le jour, comme la constitution de sociétés d’économie mixte, des fonds d’investissement régionaux ou des levées de fonds participatives pour accompagner ces projets.

Il est donc essentiel que la filière coopère pour soutenir un modèle économique viable, pour se professionnaliser et pour accroître son influence. Cela se traduit par une capitalisation forte sur les études réalisées et à réaliser, ainsi que sur la création de formations dédiées à destination des exploitants agricoles et des métiers liés à la méthanisation, notamment pour la maintenance.

Enfin, la centralisation des données recueillies (cf. site www.infometha.org) permettra une meilleure diffusion de l’information auprès des différents acteurs de la filière. Le volet financier consolidé et le partage d’informations effectué, il sera alors plus simple de porter d’une voix commune les objectifs de la filière auprès des pouvoirs publics.

La promotion du biométhane par la filière à toutes les échelles, des territoires aux instances européennes, est indispensable à son évolution

Chaque territoire a un rôle spécifique à jouer dans le développement du biométhane (à l’échelle communale, régionale ou encore nationale). Il est donc important pour la filière de porter le sujet à tous les niveaux pour sensibiliser les différents acteurs.

À l’échelle d’une exploitation, la mise en place de bonnes pratiques et une sensibilisation des riverains au sujet de l’unité de méthanisation est indispensable. Les dernières levées de bouclier ont poussé à la publication d’un rapport ministériel pour améliorer l’acceptabilité des installations. L’Association des Agriculteurs Méthaniseurs de France a aussi mis au point une charte de bonnes pratiques. Cet effort est un bon début et doit être soutenu par les acteurs proches des problématiques des territoires tels que les collectivités.

À l’échelle d’une région, le développement des gaz verts s’inscrit directement dans le SRADDET des collectivités. En effet, la filière biométhane présente plusieurs atouts sur le plan territorial, parmi lesquels :

  • La contribution à l’atteinte locale des objectifs nationaux d’intégration des énergies renouvelables (notamment en anticipation de la déclinaison française de la directive européenne RED II)
  • La création d’emplois locaux et non délocalisables, tout en générant de nouvelles synergies entre les acteurs impliqués
  • La préparation de l’avenir énergétique du territoire tout en capitalisant sur des infrastructures existantes
  • La réduction des émissions de gaz à effet de serre du territoire

Les gestionnaires de réseaux (dont GRTgaz) interviennent déjà auprès des collectivités pour intégrer le développement de la filière biométhane dans leur stratégie énergétique.

À l’échelle nationale et de facto internationale (Europe notamment), il est essentiel que la filière porte la question du biométhane auprès des décideurs publics. Cela signifie la transmission régulière d’études sur le sujet montrant la participation active du biométhane à la décarbonation, à l’évolution des techniques vers plus d’agroécologie, et à l’appui économique des exploitations agricoles. Pour pouvoir influencer ce sujet hautement sensible, la filière doit montrer qu’elle maîtrise son évolution, coordonne ses actions et consolide ses acquis. Un programme ambitieux donc, à l’image des objectifs affichés par les gestionnaires des réseaux gaz après la publication de la Programmation Pluriannuelle de l’Énergie.

Nos référents « Biométhane »

Violette Donat

Antoine Simionesco