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Gaz renouvelable & transition énergétique : un nouvel équilibre ?

2024 : une nouvelle baisse de la consommation de gaz

D’après les Perspectives Gaz (PG24)1 publié fin 2024 par les gestionnaires du réseau gazier, la consommation de gaz en France a connu une baisse inédite de -10,5 % entre 2022 et 2023. Cette tendance s’est prolongée en 2024, avec une nouvelle diminution de -5,5 % par rapport à l’année précédente, selon le bilan gaz 2025 de NaTran (ex-GRTgaz)2.

Si cette évolution nous place en avance sur la trajectoire définie, elle soulève également des questions sur le rôle futur de cette énergie historiquement fossile, aujourd’hui en pleine mutation. Quelle sera la place du gaz dans la transition énergétique et dans le mix énergétique français de demain ? À travers une analyse transversale des derniers rapports parus, cet article propose une lecture prospective de l’avenir du gaz dans la transition énergétique.

Une consommation de gaz en baisse, mais en phase de stabilisation

La baisse de la consommation de gaz s’inscrit dans une tendance de fond, commune à tous les scénarios de neutralité carbone à l’horizon 20503 (cf. figure 1 ci-dessous). Elle est portée par :

  • l’amélioration de l’efficacité énergétique,
  • l’électrification des usages,
  • un meilleur équilibre entre production nationale et demande.

Figure 1. Trajectoire de consommation de gaz et de production de gaz renouvelable des scénarios

Trajectoire de consommation de gaz et de production de gaz renouvelable des scénarios - Yélé Consulting

Source : Transition énergétique 2050 ADEME, Perspectives gaz 2022, Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE 3), Analyses Yélé Consulting

D’après le dernier bilan de NaTran, la consommation de gaz en 2024 s’établit à 361 TWh PCS, soit presque le niveau fixé pour 2030 (360 TWh PCS) dans les Perspectives Gaz 2022. Ce constat reste aligné avec un nouvel ajustement de la trajectoire dans la PG24, comme cela avait été fait entre 2020 et 2022.

À l’horizon 2030, la vision PG24 converge désormais avec les scénarios les plus ambitieux de l’ADEME (notamment le scénario S2), en intégrant à la fois la baisse de consommation de gaz et l’augmentation de la production de gaz renouvelable. Ainsi, la part des gaz renouvelables et bas-carbone pourrait atteindre 20 % en 2030, et 40 % en 2035, soulignant l’importance croissante du gaz renouvelable dans la transition énergétique.

Figure 2. Comparaison des scénarios de consommation de gaz à l’horizon 2030

Comparaison des scénarios de consommation de gaz à l’horizon 2030 - Yélé Consulting

Source : Transition énergétique 2050 ADEME, Perspectives gaz 2020, 2022 et 2024, Analyses Yélé Consulting

Toutefois, les fortes baisses constatées entre 2022 et 2024 ne devraient pas se poursuivre au même rythme. Une partie de cette baisse est liée à la sortie de la période de moindre disponibilité du parc nucléaire, qui avait entraîné un recours accru au gaz pour équilibrer le réseau électrique. Avec le retour du nucléaire et une injection croissante d’électricité renouvelable, le gaz pourrait à nouveau jouer un rôle de flexibilité, particulièrement en hiver.

Une reprise modérée dans l’industrie

La consommation de gaz s’est stabilisée dans les secteurs résidentiels, tertiaire et industriel. Chez les grands industriels raccordés au réseau de transport, une légère reprise (+0,8 %) a été enregistrée en 2024, portée par :

  • la chimie,
  • le raffinage,
  • la métallurgie,
  • l’agroalimentaire.

Le baromètre industriel publié par l’État en mars note que la réindustrialisation progresse, bien que de manière ralentie. Cette reprise reste compensée par des gains d’efficacité et des changements de vecteurs énergétiques. D’ici à 2035, une baisse modérée d’environ 2 % par an est prévue. Concernant le bâtiment, la consommation de gaz continue de diminuer (−3 % par an en moyenne), sans réduction significative du nombre de clients raccordés, appuyant l’effet des politiques de sobriété dans la transition énergétique.

Une production de gaz renouvelable en avance, mais une dynamique à consolider

La filière française du gaz renouvelable, et en particulier le biométhane produit par méthanisation, a franchi un cap important en 2024. Avec 11,6 TWh injectés dans les réseaux, soit une progression de +27 % en un an, la production de gaz renouvelable dépasse les objectifs fixés par l’ancienne Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) pour 2023, et représente 3,2 % de la consommation de gaz​ nationale. Cette dynamique confirme la maturité croissante d’une filière ancrée dans les territoires, en phase avec les enjeux de décarbonation, de résilience agricole et de valorisation des déchets.

Des freins structurels à lever pour pérenniser la dynamique

Toutefois, le ralentissement du nombre de nouveaux projets – 79 mises en service en 2024, niveau équivalent à 2019 – montre que cette croissance n’est pas acquise, et appelle un renforcement des soutiens pour pérenniser la trajectoire.

Pour relancer l’investissement, des leviers ont été actionnés, au premier rang desquels figure la mise en place des certificats de production de biogaz (CPB) en 20244, marquant un tournant majeur dans le modèle de soutien à la filière. Ce nouveau dispositif transfère la charge du soutien depuis les finances publiques vers les fournisseurs de gaz, dans une logique plus durable et incitative.

Cependant, la Cour des comptes5 rappelle que le développement du biogaz ne pourra se poursuivre sans un appui public renforcé et mieux calibré. Entre 2011 et 2022, l’État a mobilisé :

  • 2,6 milliards d’euros au titre des tarifs d’achat,
  • 0,5 milliard en subventions d’investissement.

À l’avenir, le bon fonctionnement du CPB exigera un cadre économique clair, une trajectoire de restitution post-2028 définie rapidement, et des dispositifs complémentaires adaptés aux réalités des territoires, notamment pour les petits projets agricoles.

Diversifier les technologies : un enjeu stratégique

Sans cet accompagnement, le risque est réel de voir le ralentissement actuel s’installer durablement, fragilisant la contribution du gaz renouvelable aux objectifs de neutralité carbone et de souveraineté énergétique. Le développement du gaz renouvelable s’inscrit donc au cœur de la transition énergétique, nécessitant une approche stratégique et coordonnée.

En parallèle de la méthanisation, une reconnaissance pleine du potentiel des technologies innovantes telles que la pyrogazéification, la gazéification hydrothermale et le power-to-méthane, encore absentes des projections chiffrées alors qu’elles pourraient jouer un rôle clé en prenant le relai dans la croissance de production de gaz renouvelable, grâce aux gisements de déchets qui ne sont pas encore ou peu exploités par la méthanisation.

Conclusion

Bien que sa consommation de gaz diminue, le gaz reste un vecteur essentiel du mix énergétique dans tous les scénarios à horizon 2050. Cette baisse ne signe pas son retrait, mais reflète plutôt une transformation profonde de ses usages. Il reste un outil au service de plusieurs priorités : maintien de la compétitivité industrielle, décarbonation des mobilités lourdes, adaptation aux pics de consommation de gaz liés aux aléas climatiques, et accompagnement des politiques de sobriété dans le cadre de la transition énergétique.

Développer le gaz renouvelable ne répond pas seulement à un impératif climatique : c’est aussi un levier pour renforcer notre souveraineté énergétique, soutenir l’économie locale et construire une transition énergétique juste et équilibrée. Son avenir dépendra de la stabilité des politiques publiques, de l’anticipation des besoins territoriaux, et de l’activation coordonnée de tous les leviers technologiques disponibles pour assurer une transition énergétique durable.

Cuisinière à gaz méthane

Sources :


Rédacteurs : Ziwei WU