À la veille des élections aux États-Unis, quelles sont les promesses évoquées dans les campagnes des candidats Kamala Harris et Donald Trump en matière d’énergie et de climat ? Malgré l’importance cruciale de ces questions pour l’avenir de la planète, les deux candidats ont présenté des programmes peu détaillés, laissant leurs déclarations et leurs bilans passés dessiner les contours de leurs politiques potentielles en matière d’environnement et d’énergie.
Deux visions contrastées pour l’avenir énergétique des États-Unis
Trump : Dérégulation et domination énergétique
Donald Trump propose une approche radicale en matière de politique énergétique et environnementale. Sa stratégie repose sur plusieurs axes clés visant à consolider la position dominante des États-Unis sur les marchés énergétiques mondiaux. Tout d’abord, il prône la suppression systématique des barrières réglementaires et environnementales qui, selon lui, entravent le développement économique du pays. Cette démarche inclut l’élimination de nombreuses normes environnementales, comme en témoigne l’abrogation de 64 lois et règlements de protection de l’environnement au cours de son précédent mandat. En parallèle, Trump envisage un désengagement marqué de la diplomatie climatique internationale. Cette position pourrait se traduire par un nouveau retrait des États-Unis de l’Accord de Paris sur le climat. Enfin, Trump met l’accent sur l’augmentation significative de la production énergétique domestique, notamment dans le secteur des énergies fossiles. Cette stratégie vise non seulement à consolider l’indépendance énergétique actuelle des États-Unis, mais surtout à renforcer leur influence sur les marchés internationaux de l’énergie.
Harris : Équilibre entre transition et sécurité énergétique
La politique énergétique de Kamala Harris se caractérise par une approche équilibrée, cherchant à concilier les objectifs environnementaux avec les réalités économiques et sécuritaires. Elle prône un mix énergétique diversifié, combinant énergies renouvelables et fossiles. Cette stratégie vise à assurer la transition énergétique tout en maintenant la sécurité énergétique nationale. Elle soutient activement le financement de technologies bas-carbone, particulièrement les panneaux solaires, l’hydrogène vert, la capture et le stockage du carbone, ainsi que les petits réacteurs nucléaires. Contrairement à sa position initiale, Harris maintient désormais son soutien à la fracturation hydraulique, reconnaissant son importance pour l’indépendance énergétique américaine. Cependant, la politique énergétique des démocrates sous le gouvernement de Biden-Harris s’avère moins écologique qu’elle ne le paraît. Le bilan inclut l’approbation de nouveaux pipelines et une production record de pétrole en 2023, illustrant les compromis entre les ambitions environnementales et les réalités économiques. Globalement, la stratégie de Harris cherche à équilibrer la transition vers les énergies propres avec le maintien de la production d’énergies fossiles, reflétant les défis complexes de la politique énergétique américaine.
Énergies fossiles et renouvelables au cœur du débat pour rassembler les électeurs
Harris et Trump s’accordent sur l’importance de maintenir une production nationale d’hydrocarbures, soulignant ainsi la nécessité stratégique d’un secteur énergétique robuste. En effet, l’extraction pétrolière et gazière représente 1,2 % du PIB américain, et l’ensemble des énergies carbonées soutient plus de 4,8 millions d’emplois dans le pays. Les États-Unis, en tant que premier producteur mondial de pétrole et de gaz, détiennent également les plus grandes réserves de charbon.
De manière surprenante, plusieurs États à tendance républicaine se sont imposés comme pionniers dans le domaine des énergies renouvelables. Cette évolution, motivée néanmoins davantage par des considérations économiques qu’environnementales, semble vouée à se poursuivre, quel que soit le résultat de l’élection présidentielle. Ce phénomène s’inscrit dans un contexte plus large où les enjeux énergétiques jouent un rôle crucial dans le vote des électeurs. En effet, la production d’énergies, qu’elles soient fossiles ou renouvelables, revêt une importance capitale pour de nombreux États clés. D’un côté, des États pivots comme la Pennsylvanie et le Michigan sont riches en gisements de gaz de schiste, de l’autre des États tels que le Texas, l’Iowa, l’Oklahoma, le Kansas et la Floride se distinguent par leur leadership dans les énergies renouvelables, notamment l’éolien et le solaire. Face à cette réalité complexe, les candidats se trouvent contraints d’adopter une approche équilibrée en matière de politique énergétique. Ils doivent ainsi ménager à la fois le secteur des hydrocarbures et celui des énergies renouvelables, dans l’espoir de séduire un électorat aux intérêts parfois divergents, mais tout aussi déterminants pour l’issue du scrutin.
L’Inflation Reduction Act : discorde majeure entre les deux candidats
L’Inflation Reduction Act (IRA), lancé en novembre 2022 par le gouvernement de Biden, représente un point de divergence majeur entre Harris et Trump. Ce programme ambitieux, d’une valeur totale de 369 milliards de dollars sur 10 ans, vise à stimuler le déploiement des énergies renouvelables tout en protégeant l’industrie américaine face à la concurrence chinoise, spécifiquement dans les secteurs des panneaux photovoltaïques et des véhicules électriques. L’IRA a pour objectif principal de réduire de 50% les émissions de gaz à effet de serre d’ici à la fin de la décennie, par rapport aux niveaux de 2005. Il englobe également des mesures favorisant la décarbonation industrielle et des secteurs énergétiques tels que les biocarburants et la capture de carbone, des secteurs dans lesquels les acteurs pétroliers investissent.
Kamala Harris soutient fermement la poursuite de l’IRA, tandis que Donald Trump souhaite y mettre un terme. Cependant, l’annulation d’une loi aussi vaste s’avérerait complexe, d’autant plus que certains républicains reconnaissent déjà ses effets positifs sur l’économie américaine.
Quelles conséquences pour les marchés énergétiques européens ?
L’élection présidentielle américaine de 2024 aura des implications significatives sur le marché mondial de l’énergie, avec des répercussions notables en Europe. Les politiques énergétiques qui seront mises en place par le futur président influenceront non seulement l’offre de pétrole et de gaz naturel liquéfié (GNL), mais aussi la compétitivité des industries européennes.
Actuellement, les États-Unis sont un fournisseur majeur d’énergie pour l’Europe, représentant 17% des importations de pétrole et 50% des importations de GNL au dernier trimestre 2023. À court terme, une politique favorisant l’exploitation intensive des énergies fossiles, comme celle proposée par Trump, pourrait stabiliser les prix énergétiques en Europe grâce à une offre abondante.
Cependant, la stratégie énergétique à long terme de l’Europe vise une plus grande autonomie. En se concentrant sur l’électrification, les énergies renouvelables et la production de biogaz, les pays européens cherchent à réduire leur dépendance aux importations. Cette transition vers des sources d’énergie plus durables devrait progressivement atténuer l’impact des décisions politiques américaines sur les marchés énergétiques européens, quel que soit le résultat de l’élection de 2024.
L’importante allocation de fonds par les États-Unis aux énergies propres et aux technologies à faible émission de carbone pourrait accroître la concurrence pour les industries européennes, notamment dans le secteur automobile. Si une victoire de Kamala Harris pourrait privilégier une coopération renforcée, cette élection met également en lumière les menaces pesant sur la sécurité énergétique européenne. Cela souligne l’urgence pour l’Europe de développer un système énergétique plus autonome et résilient, capable de s’adapter aux évolutions politiques américaines.
En conclusion, malgré les différences de discours entre républicains et démocrates sur le climat, l’élection américaine ne devrait pas provoquer de changement radical dans la politique énergétique. Quel que soit le vainqueur, les États-Unis continueront leur production massive d’hydrocarbures tout en développant des projets de transition énergétique, bien que ceux-ci restent insuffisants. L’impact principal de l’élection se fera sentir à moyen terme, en déterminant si le pays s’engagera vers une réduction significative des émissions de gaz à effet de serre. Cette décision, bien que nationale, aura bien évidemment des répercussions importantes sur la trajectoire climatique mondiale.
Rédactrice : Eulalie Montagut
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