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La CRE publie ses orientations pour le développement des infrastructures de CO2 en France

Être le premier continent à atteindre la neutralité climatique : c’est l’objectif que s’est fixé l’Europe à travers sa feuille de route et notamment Fit For 55 qui impose une réduction de 55% des émissions des pays européens en 2030 par rapport à 1990. En complément des initiatives de sobriété et d’efficacité énergétique mises en œuvre par les acteurs du secteur, la décarbonation industrielle repose également sur les technologies de captage, utilisation et stockage du CO2 (CCUS). En 2023, les émissions françaises du secteur industriel étaient d’environ 70 millions de tonnes. Les projets de captage et transport de CO2 résiduel (vers des usages industriels ou du stockage géologique) commencent donc à émerger en France (les solutions de captage sont matures, le transport par canalisation aussi…). Ainsi les zones industrielles de Dunkerque, Le Havre, Fos sur Mer, Saint-Nazaire ou encore du Grand Est déploient des initiatives de captage et transport de CO2 vers des stockages géologiques. C’est le cas de la plateforme GOCO2 qui permettra de décarboner les sites industriels du Grand Ouest de la France, mais aussi d’Acerlor Mittal à Dunkerque, et des autres ZIBaC en France.

C’est dans ce cadre que la commission de régulation de l’énergie (CRE) a publié un rapport présentant les grandes orientations de régulation des infrastructures d’hydrogène et de CO2. Yélé vous propose une synthèse des recommandations relatives au CO2.


Relégué au second plan ces dernières années en raison de l’engouement croissant pour l’hydrogène, le CO2 retrouve aujourd’hui une place centrale dans les stratégies de décarbonation. Au-delà des directives techniques axées sur la sécurité ayant été mises en place, le volet réglementaire est resté flou.


De plus, la forte intensité capitalistique des infrastructures nécessaires figure parmi les principales raisons qui justifient l’intervention de l’état dans le décollage de la filière. Par ailleurs, avec un réseau de gaz naturel en place, bien ramifié et connecté aux autres réseaux européens, la France dispose des compétences nécessaires pour créer une structure viable, à l’instar de la CRE qui participe déjà à ces travaux au niveau européen.

Vers un cadre structuré pour le développement de la filière CO2 d’ici 2050 : enjeux et actions de la CRE

Orientation, régulation, attraction des investissements, partage des risques, tarification, modalités et droits d’accès aux producteurs et consommateurs de CO2… sont les principaux sujets sur lesquels la CRE s’est penchée dernièrement, avec pour objectif de proposer un cadre structuré et efficace. L’horizon ciblé pour le développement total de la filière CO2 est 2050.
De la même manière qu’était configuré le réseau de transport de gaz naturel jusqu’aux années Covid / guerre en Ukraine, la CRE considère que les flux de CO2 seront majoritairement unidirectionnels, sur la base d’une logique économique côté producteurs (émetteurs industriels) qui consisterait à se connecter à l’exutoire le moins cher. Sur cette base, la chaine de valeur du CO2 serait séparée en quatre principaux segments sachant que cela pourra être amené à évoluer :

  • Le captage : il est considéré comme étant une activité concurrentielle au vu du nombre d’acteurs proposant des solutions de capture. Ces dernières sont individuelles et peuvent être installées sur les sites des producteurs.
  • La collecte : elle consiste à acheminer le CO2 du site du producteur ou du hub industriel (cas d’une mutualisation avec plusieurs industriels) vers le réseau de transport. Les solutions sont multiples et dépendront du cas de figure : canalisation, transport routier, fluvial, ferroviaire… Néanmoins, la CRE estime qu’un accès négocié, avec des obligations de transparence et non-discrimination serait plus intéressant pour favoriser des organisations en hubs.
  • Le transport : il s’agit d’acheminer le CO2 des collectes vers les exutoires. Maillon le plus important de la chaine, ce dernier constituera un monopole naturel au vu du poids des investissements requis et le partage d’utilisation par les émetteurs.
  • L’exutoire : il représente l’étape finale du parcours du CO2. Les solutions peuvent être différentes : stockage onshore, terminaux de liquéfaction, stockage offshore et canalisation d’export. L’exutoire étant hautement capitalistique et son usage étant partagé par plusieurs émetteurs, il représentera un monopole naturel local.


Au niveau du dimensionnement, les canalisations de collecte évolueraient en fonction des besoins exprimés par les émetteurs concernés. En ce qui concerne les infrastructures de transport et les exutoires, une planification est, ici, recommandée par la CRE. Ces infrastructures destinées à être mutualisées, devraient être surdimensionnées pour pouvoir accueillir tous les potentiels émetteurs qui les utiliseront à terme. Une logique d’anticipation et une prise en compte des difficultés techniques et logistiques de développement ultérieur des ouvrages ont été privilégiées par la CRE dans la construction de son scénario. Enfin, contrairement au réseau de gaz naturel, les réseaux de CO2 ne seront pas maillés et interconnectés : chaque réseau de transport permettra uniquement de connecter un ensemble d’émetteurs industriels à un exutoire.


Surqualité, stockage et optimisation des coûts : la CRE face aux défis techniques de la filière CO2


La CRE souligne le risque de sur qualité qui pourrait potentiellement créer des divergences entre les différentes parties prenantes. Les spécifications techniques déjà établies devront être respectées sans pour autant dépasser les contraintes légitimes. La réglementation qui sera mise en place devra veiller à ce que certains exutoires, en l’occurrence, les stockages, en fonction de leur nature et des caractéristiques géologiques, ne soient à l’origine d’un ralentissement du lancement de la filière.
Par ailleurs, des changements d’état du CO2, entre son émission par l’industriel jusqu’à son enfouissement au niveau de l’exutoire, peuvent avoir lieu. Ces derniers peuvent être utilisés comme des leviers d’optimisation de coûts dans le sens où l’atteinte des spécifications techniques serait moins chère en mutualisant certains équipements plutôt qu’en utilisant des équipements individuels pour chaque émetteur industriel.


Segmentation et régulation des activités


En ce qui concerne la séparation des activités de la chaine de valeur, la CRE s’est également penchée sur la question : les deux premiers maillons de la chaine pourraient être assurés par un même acteur. Le transport, par contre, devra être géré par un opérateur indépendant afin de ne favoriser aucune solution pour la capture et la collecte. La tarification du transport ne devrait pas être discriminatoire. La même logique s’applique au niveau de l’exutoire pour les maillons de la liquéfaction et le stockage offshore. Finalement, cette segmentation des activités permettra de contrôler la rentabilité des infrastructures de transport, liquéfaction et stockage et d’établir des tarifs d’utilisation régulés reflétant leurs coûts.


Pour les questions de mutualisation et réutilisation d’actifs déjà existants, la CRE souhaiterait qu’une séparation comptable soit mise en place pour les infrastructures dédiées au CO2. Cela concerne en premier lieu tout gestionnaire de réseau de gaz naturel qui s’engagerait dans le développement de réseaux CO2. Dans le cadre d’une cession d’un actif (e.g. du gaz naturel vers le CO2), cette dernière se fera à sa valeur dans la base d’actif régulée (BAR).


Tarification des infrastructures : vers une approche individualisée


Côté tarification, la structure des tarifs d’utilisation des infrastructures ne devrait pas suivre le principe de péréquation. La CRE estime que cela est en adéquation avec la topologie spécifique de chaque réseau de CO2.

Pour rappel, le principe de péréquation tarifaire impliquerait que les « producteurs » de CO2 soient soumis à la même tarification d’utilisation des réseaux, et ce, quelle que soit leur localisation géographique sur le territoire français ou bien le réseau auquel ils sont connectés. Le domaine d’application le plus significatif reste celui de l’électricité où des consommateurs souscrits auprès d’un même fournisseur, présentant des profils de consommation identiques, mais localisés dans des zones différentes seront soumis aux mêmes tarifs, et ce, malgré des différences aux niveaux des couts de gestion et d’installation.

Par ailleurs, la commission considère également que la fixation des tarifs d’utilisation de chaque segment en situation de monopole devrait lui revenir. Ces tarifs seraient établis selon des principes rationnels et transparents, issus d’une analyse globale incluant un suivi de la rentabilité des infrastructures et une consultation des utilisateurs.


Enfin, la CRE considère que le développement des infrastructures mutualisées nécessite, en plus, un soutien public aux premiers acteurs, à la fois pour garantir le surdimensionnement initial des infrastructures, mais également pour rassurer les premiers acteurs (émetteurs ou opérateurs) durant la phase de démarrage en cas de retard ou de désynchronisation de la chaine CCS. Dans ce cadre, la CRE opte pour la contractualisation d’engagements long terme de la part des premiers usagers et n’exclue pas un soutien public, assurantiel vis-à-vis des investissements portés par le secteur privé lors de la phase de développement du CCUS.

Yélé Consulting, partenaire engagé pour la transition vers la neutralité carbone

Chez Yélé Consulting, nous sommes pleinement alignés avec ces orientations de développement des infrastructures de CO2. Forts de notre expertise dans la transition énergétique et environnementale, nous accompagnons activement les acteurs du secteur dans la mise en œuvre de solutions concrètes pour décarboner l’industrie. Nous restons mobilisés pour aider les entreprises à répondre aux enjeux réglementaires, techniques et économiques de cette transition indispensable vers la neutralité carbone.

Vous avez envie de parler de ces sujets avec nous ? Contactez Audrey Bergeron ou Narith Phlek.